(Revue Panharmonie. No 166. Mars 1977)
Le titre est de 3e Millénaire
1: la symbolique du corps
Compte rendu de la réunion du 13.1.1977
Ce dont nous parle Annik de Souzenelle a des prolongements dans toutes les traditions et évidemment dans la tradition occidentale. Elle nous permet, grâce à une juste traduction des textes hébreux et grâce à une compréhension tout à fait exceptionnelle de leur symbolisme, de découvrir une concordance extraordinaire entre les trois plans de notre existence, physique, mental„ spirituel, que palier par palier nous avons à franchir pour remplir le rôle qui nous est assigné sur terre. Nous découvrons dans son analyse une métaphysique insoupçonnée de la plupart, et des analogies frappantes entre les différentes traditions qui sont issues les unes des autres et qui enrichissent le champ de notre connaissance.
C’est donc l’étude du corps qu’aborde notre animatrice, de ce corps qui, pendant des siècles, a été nié et qui, à présent s’impose et donne lieu à de nombreuses études qui le réhabilitent.
Ce sujet, nous dit-elle, s’est en quelque sorte imposé à elle. Après avoir été anesthésiste et s’étant « recyclée », elle étudiait la théologie et la psychologie, lorsqu’elle fut mise en contact avec un professeur d’hébreu qui lui proposa de lui donner un enseignement sur la Qabbale, ce qu’elle accepta avec joie, parce que cela lui permettait de remonter aux sources de notre civilisation. Et, au cours de ses recherches, elle s’aperçut qu’entre les trois disciplines qu’elle étudiait, il y avait un lien, une unité.
Elle se mit donc à l’étude de l’Arbre des Séphiroth, l’Arbre traditionnel, mythique des Hébreux, qui trace le rythme très rigoureux de la manifestation des énergies divines. Et un jour, en méditant sur cet Arbre, elle a vu se superposer à lui en filigrane, le corps du Christ en Gloire, tel qu’on le voit dans nos basiliques romanes. Il s’est produit en elle une sorte d’identification de cet Arbre des Séphiroth avec la fresque romane. Cela se confirma par la lecture dans le Sepher Yezira que l’Arbre des Séphiroth était le dessin du « Corps Divin » à l’image duquel est dessiné l’homme. A partir de ce moment, toutes les fois que les organes ou les membres du corps étaient mentionnés dans un mythe, de quelqu’origine qu’il soit, tout prenait un sens, parce qu’elle voyait à quel niveau se situaient ces organes, ces membres et à quoi ils correspondaient par rapport aux énergies divines.
Avant d’aborder l’étude de cet Arbre, il était nécessaire de mettre bien en évidence ce que Annik de Souzenelle entend par « symbole ». Symbole vient du grec et signifie « lancer ensemble, lancer avec… ». Or, rassembler deux éléments implique qu’ils étaient séparés et c’est cette conception qui a été la clef de toute la base de l’étude des symboles de la Genèse. Dans la Genèse, le deuxième jour il y a séparation : les Elohim que les Chrétiens appellent le « Grand Conseil », séparent les eaux primordiales dont le nom hébreu est Maim. Ces eaux semblent être une énorme matrice contenant en potentialité toute la Création. Et cette Création à partir du premier jour va s’effectuer à travers une série de séparations.
Dans le mot « Maim » est contenu « Mi », représentant les eaux d’en-haut, et « Ma », représentant les eaux d’en-bas. Nous trouvons la racine mi dans bon nombre de mots, tels mirage, mystère, etc., et la racine ma dans matière, manifestation, etc.
Nous n’entrerons pas dans les précisions que nous donne A. de Souzenelle, qu’il nous suffise de dire que le monde d’en-bas, Ma, est le reflet du monte d’en-haut, Mi. Chaque élément du monde de Ma est l’image d’un archétype du monde de Mi, il est le symbole de son archétype dont il a été séparé lors de la séparation des eaux. Et cela est si bien exprimé dans la Bible, que nous voyons Dieu, après avoir séparé, relier aussitôt les deux mondes par ce qu’Il appelle « l’étendue », en hébreu : « Shamaïm ».
Séparer n’est peut-être pas le mot exact, mieux vaudrait dire « distinguer ». Le monde du Mi qui contient en potentialité toute la Création, va s’exprimer dans un grand expire divin à travers les sept jours de la Création pour former le monde du Ma. Si donc nous touchons un élément de la Création en-bas, nous touchons en-haut à son archétype qui nous répond. Les Hébreux n’hésitent pas à parler du monde divin, des Elohim, nom dans lequel nous retrouvons la racine him c’est-à-dire mi, et qu’ils appellent « l’homme d’en-haut ». Et Adam, dans lequel nous retrouvons la racine ma, est « l’homme d’en-bas », appelé à sa ressemblance avec les Elohim c’est-à-dire à les « rejoindre ». De même qu’Adam est le fond de l’expire divin, étant l’image de Dieu ; de même tous les éléments de la Création ont pour vocation, comme dans un inspire de revenir à leur origine en remontant tous les échelons allant de la base du Ma à la jonction avec le Mi. Et ces échelons ne sont autres que les sept jours de la Création.
Avant d’aller plus loin, posons-nous quelques questions. Qu’est-ce que le mythe ? Le mythe est un petit récit à notre niveau de signification plus ou moins satisfaisante, qui, en aucun cas, n’exprime en soi quelque chose, mais qui nous invite dans sa profondeur pour y trouver ce qu’il signifie. Et ce qu’il signifie se passe dans le monde du Mi, qui ne nous est pas immédiatement transmissible. Car si nous étions directement en face de la réalité du monde du Mi, nous ne pourrions pas le supporter, nos catégories mentales n’étant pas faites pour l’appréhender.
L’histoire des hommes que nous vivons tous les jours a elle aussi sa profondeur, sa couche mythique, sa signification que nous pouvons déceler si nous pénétrons dans notre être profond, dans le Mi que nous portons en nous. Les exégèses sont d’accord pour dire que les récifs bibliques sont mythiques jusqu’au Déluge et, qu’à partir de ce moment-là ils contiennent une couche historique. Mais celle-ci aussi a sa couche mythique.
Annik de Souzenelle nous présente à présent le schéma de l’Arbre des Séphiroth, composé d’un axe central surmonté d’un triangle. Plus bas sur l’axe deux autres triangles renversés. Par des points elle marque l’emplacement de dix Séphiroth (au singulier Séphira).
Qu’est-ce qu’une Séphira ? C’est un contenant dans lequel se déversent les énergies divines, semblables à l’eau s’écoulant dans des vasques successives. Il n’est pas exact de dire énergies divines, car le Divin est énergie. Il se manifeste à travers dix énergies, dix étant le symbole de l’Unité. Il y en a d’ailleurs plus de dix, les Hébreux nous apprenant qu’au-delà de la première Séphira en-haut, il y a en trois qui sont nommées, mais qui ne sont pas connues, qui ne se manifestent pas. Elles correspondent à des noyaux supérieurs de l’homme. La première est nommée l’Ayin, qui signifie « rien ». Tout vient de rien. Après l’Ayin, la seconde s’appelle l’Ayin Soph, soph voulant dire « limite » Ce « rien-limite », c’est l’infini. La troisième, juste au-dessus est l’Ayin Soph Aor, l’infinie Lumière. Aor : lumière. Ces trois Séphiroth restent dans l’inconnaissable.
Et c’est ainsi qu’Annik de Souzenelle nous analyse et nous nomme toutes les Séphiroth partant de celle du sommet du triangle supérieur qui s’appelle Kather, la couronne de la triade supérieure avec Hochmah, la sagesse et Binah, l’intelligence. Cette triade se reflète une première fois dans le premier triangle renversé et une seconde fois dans le dernier et toutes les Séphiroth qui ont ici leur siège, sont appelées les Séphiroth de la Création, aux sept jours de laquelle elles correspondent. Et, finalement nous arrivons au bas de l’Arbre où la dernière Séphira, Malkuth, représente le Royaume. Si, au sommet le Roi est couronné, le Royaume, lui, est à l’opposé.
Les Hébreux nomment aussi la Séphira du haut: le Roi, et la dernière en-bas, la Reine, ou la Vierge d’Israël. Pourquoi ? Parce que toutes les énergies se déversent d’en-haut vers le bas. Et toute la Création qui va être contenue dans Malkuth, devra pour épouser le Roi, remonter les degrés énergétiques de l’Arbre, en-haut duquel la Vierge sera couronnée, ainsi que le disent les Mystères Chrétiens.
Mais cet Arbre symbolise aussi le corps de l’homme. Les Hébreux ont un dessin traditionnel sur lequel on voit l’homme d’en-haut et l’homme d’en-bas qui sont inversés et dont la tête de l’un est à la place des pieds de l’autre. En effet, si nous prenons cet arbre dont les racines sont en-haut, il va entièrement fleurir en-bas, et cette floraison, c’est toute la Création. L’homme, tel qu’il est, prend ses racines à partir de cette floraison et il va remonter pour s’épanouir en-haut. Nous avons donc bien ces deux hommes renversés.
L’Arbre est structuré sur des éléments horizontaux et verticaux, les premiers sont le triangle supérieur qui se reflète par deux fois et fournit à ce niveau un quadrilatère qui tient ensemble la base de l’Arbre. Les structures verticales sont essentiellement dans l’axe central, le « sentier » du milieu et les deux sentiers latéraux que nous pouvons, en pensée, prolonger vers le haut et le bas.
Dans le récit biblique l’Arbre a été planté au milieu de l’Eden, qui est un jardin. Or toute terre, jardin ou non, est symbole d’état intérieur. Il nous est dit qu’il est deux arbres, celui de la vie et celui que nous appelons couramment de la dualité ou de la connaissance du bien et du mal. Ce dernier terme est mal traduit car il signifierait que le mal fasse partie de la Création, ce qui serait absurde. La traduction juste est celle de « Connaissance du bien (ce qui est bon) et de son contraire ». Le mot « bon », vient d’ailleurs ponctuer chaque jour de la Création.
La perfection est un état qui implique un arrêt, une mort. On ne peut aller plus loin. Or, si nous disons que Dieu est parfait, nous l’arrêtons totalement, nous le limitons même. Ainsi Dieu va-t-il se faire connaître à travers son parfait et son contraire. Il ne peut être ni perfection absolue, ni mouvement absolu, car dans ce dernier cas il serait dans une continuation qui impliquerait une non-perfection. Il est donc à la fois l’immobilité absolue et le mouvement absolu, l’être et le non-être, etc. C’est cela l’Arbre de la dualité, que nous avons appelée le « mal » ce qui est un contresens.
L’Arbre de vie, c’est la colonne vertébrale, c’est la kundalini, les énergies qui passent et les deux pôles du corps, sont les deux pôles de l’unique Réalité qui va se manifester à travers ; une chose et son contraire.
Cette alternance des opposés, nous la trouvons de manière précise dans les deux premiers mots de la Genèse: Berechit et Bara. Berechit : dans le Principe, Bara : qui est créé. En fait Berechit, c’est Barachit : Bara : créé, Schit : s’arrête. Il y a déjà l’annonce de ce mouvement de création et d’arrêt, que nous trouvons aussi dans l’histoire de Loth.
Celui-ci quitte Sodome et Gomorrhe et il est dit que sa femme, regardant en arrière est transformée en statue de sel. En hébreu c’est tout à fait différent. Loth a pour but d’aller sur la montagne, mais il n’a pas la force d’y aller d’un seul trait. Et cet arrêt est traduit par sa femme, le féminin en lui qui, dit la Bible, « ne regarde pas en avant ». Le sel, c’est la sagesse. Elle est un bloc parce qu’elle s’arrête, car il y a une nécessité de s’arrêter pour reprendre des forces, son souffle, pour toute une gestation nouvelle, la gestation est liée au féminin, tandis que la force est liée au masculin.
Notre corps aussi, par ses deux côtés, va nous exprimer sa dualité et tout le programme qu’il va nous proposer, consistera de faire de cette dualité une unité. Et pour ce faire, l’être de sa naissance à son apogée, aura à franchir trois étages allant de Malkuth jusqu’au sentier de la Gloire et de la Victoire. La vieillesse alors devient une apothéose.
Avec Annik de Souzenelle, nous suivons ce sentier. Elle nous donne les symboles et significations de ces trois étages séparés par des « portes » que nous avons à franchir et qui sont autant de morts et de renaissances. Nous ne pouvons pas ici donner toutes les précisions si intéressantes et si instructives.
Nous dirons cependant qu’Annick de Souzenelle nomme le premier étage celui de l’ « Avoir » et le deuxième celui de l’ « Etre », celui par lequel on entre dans la véritable incarnation qui est la véritable naissance. A cet étage l’être cherchera à faire de la dualité une unité. Et puis, ensuite, pour arriver au troisième étage, il faut franchir ce que toutes les traditions nomment : la Porte des Dieux. L’être va mettre au monde l’enfant divin qu’il est en germe. Il va vivre sa vraie fête que, à ce niveau-là, symbolise la Jérusalem Céleste, la Terre Promise. Il n’y a plus de dualité, l’Unité est totalement recouvrée.
L’homme ainsi s’élève d’abord, construisant au premier étage les dix premières vertèbres, les cinq lombaires et les cinq sacrées qui nous font retrouver les dix plaies d’Égypte, les dix années des Mystères grecs, etc., puis au deuxième étage il lui faudra structurer les douze vertèbres dorsales (voir les douze travaux d’Hercule, les douze mois de l’année, les douze Apôtres, les douze signes du zodiaque), et enfin, au dernier étage, les sept vertèbres cervicales qui vont correspondre au septénaire apocalyptique. Et à chaque passage d’une vertèbre à l’autre, l’être vivra une petite mort et une petite renaissance, car comme le disait l’Apôtre Saint Paul : « On meurt et on ressuscite je ne sais combien de fois par jour ! »
Et pour terminer, Annik de Souzenelle nous parle du pied, du rein et de l’oreille qui ont tous les trois la forme d’un germe et qui sont reliés les uns aux autres par une ligne droite. Il y a entre eux une correspondance étroite, tout est inclus dans chacun de ces organes. Les pieds vont être le point de départ de toutes les énergies.
2: le Tétragramme
Compte rendu de la réunion du 10.2.1977
A. de Souzenelle fait la récapitulation de ce qui avait été dit les fois précédentes. Nous en donnons quelques remarques saillantes :
Tout est en nous. Nous avons en nous tous les symboles et tous les mythes, nous sommes habités par la connaissance, mais cette connaissance est en grande partie voilée.
Il semblerait que l’embryon, le germe qu’est l’enfant dans le ventre de sa mère, soit totalement connaissant. Et puis cela s’en va. Quand ? C’est difficile à dire. Il y a perte totale de la mémoire et notre vie va consister à nous souvenir.
Puis elle passe à l’étude des structures verticales de l’Arbre des Séphiroth. Elles sont au nombre de trois — nous retrouvons toujours le nombre 3, essentiel dans toute structure : la colonne ou le sentier du milieu, selon la dénomination des Hébreux, et les deux sentiers de chaque côté que nous imaginons se prolonger vers le haut et vers le bas.
Mais nous allons découvrir autre chose encore, à savoir ce que les Hébreux appellent le Tétragramme divin, c’est-à-dire le nom divin, Yod-Hé-Vov-Hé que nous appelons très mal à propos Yahvé ou Jéhovah, et qu’il est sacrilège d’employer. C’est pourquoi je ne me servirai plus de ces deux noms, moi non plus, dit-elle. Ils l’appellent ou plutôt ils reprennent chacune des lettres ou bien ils les remplacent par un autre nom. La plupart du temps ils disent Adonaï.
Et pourquoi ce mystère autour de ce nom ? Nous ne sommes pas capables de l’appréhender entièrement et de connaître la redoutable énergie qu’il contient. Car chaque lettre est une énergie. A chacun de ces sentiers, à chacune de ces séphira correspond une lettre qui est une énergie redoutable. Les Hébreux avaient encore conscience de cela et ils ne prononçaient pas un nom à la légère, de même qu’ils ne donnaient pas à un enfant un nom à la légère.
Le Tétragramme mystérieux n’était prononcé qu’une fois seulement par an par le Grand Prêtre dans le Saint des Saints, selon une modulation qui s’est complètement perdue. Et cette qualité vibratoire était telle, que les Hébreux s’enfuyaient au loin en faisant un tintamarre terrible pour ne pas l’entendre, parce qu’ils avaient peur de mourir.
Et A. de Souzenelle nous rappelle ce que les Hébreux disaient à Moïse lorsque la parole divine était clamée sur le Mont Sinaï : « Parle-nous toi, mais que Dieu ne parle pas, parce que s’Il parle, nous mourrons. »
Si je vous parle de ce Tétragramme, c’est parce que je crois qu’il est infiniment lié à l’homme et que l’Arbre des Séphiroth n’en est que le développement.
Le quatre est lié au symbolisme de la Création par rapport au trois qui est lié au Divin. Dans le contexte hébraïque la plupart des mots sont trinitaires. Et voilà ce Yod-Hé-Vov-Hé qui arrive avec quatre lettres pour la première fois, dans ce qui est appelé la « Seconde Genèse », après les sept jours de la Création que, à la fin de chacun, Elohim regardait en s’exclamant : « Comme cela est beau ! » et à la fin du sixième jour, c’est-à-dire la fin de la Création de l’homme : « C’est vraiment très beau ! »
Le septième jour, celui du Sabbath, Dieu se retire au cœur de Sa création et ne s’impose plus : c’est à toi de jouer maintenant. Les artistes ont fait l’expérience que lorsqu’ils commencent une œuvre, celle-ci devient en un certain sens une énergie autonome, elle s’empare de l’artiste et crée avec lui. C’est cela qui se passe au niveau de la Seconde Genèse. Ce ne sont plus les Elohim, les énergies créatrices, mais Yod-Hé-Vov-Hé qui est lié à la Création et plus spécialement à l’homme.
A la naissance de Caïn, Ève s’écrit : « J’ai acquis un homme avec l’aide de Dieu ! » il y a un jeu de mot entre acquérir et Caïn, la Bible est constellée de jeux de mots, car « le Saint, bénit soit-Il » comme disent les Hébreux, joue avec les lettres de l’alphabeth.
Évidemment les traductions n’en tiennent pas compte. Et c’est une erreur de traduire ce petit mot qui relie Caïn à Dieu par « avec l’aide de » parce que ce petit mot « eth » correspond l’Alpha et a l’Oméga, c’est un mot qui ne se traduit pas. Il faudrait dire : « J’ai acquis un homme qui est alpha de structure (de commencement, si on veut) et qui doit devenir la dernière lettre de l’alphabeth, oméga, tout son devenir, toute sa vocation, qui doit devenir Yod-Hé-Vov-Hé. Il doit atteindre la ressemblance, remonter toute l’échelle, ce cordon ombilical qui sépare et unit en même temps les archétypes et le monde de la manifestation.
Le premier homme après la chute est encore l’image de la ressemblance, c’est dans sa conscience seule qu’il est coupé du monde divin. Comme disait Adam dans l’Éden : « J’ai entendu Ta voix, mais je ne Te vois plus. Je suis dans la crainte. » Bientôt il n’entendra même plus, mais il reste fondamentalement à l’image de la ressemblance.
Ce Tétragramme s’inscrit dans l’Arbre des Séphiroth. A chaque lettre correspond un nombre qui représente toute son énergie. Le Yod qu’il est tentant de mettre tout en haut, représente 10, chacun des deux Hé de chaque côté 5, et le milieu qui relie les deux côtés ensemble, Vov, de même que le haut et le bas, représente le nombre 6.
Le Yod-Hé-Vov-Hé est aussi l’Épée à deux tranchants, qui tue et vivifie, selon qu’on est capable ou non de recevoir la parole. C’est une épée de feu, mais aussi celle de la dualité. Le mot hébreu veut dire contradiction.
Nous retrouvons en ramassé dans Yod-Hé-Vov-Hé tout le développement de l’Arbre des Séphiroth. Le Vov qui est le sentier du milieu et qui correspond à 6 — souvenez-vous que l’homme a été créé le sixième jour — est comme l’homme, la conjonction, il réunit en tant que microcosme tous les éléments de la Création en même temps qu’il est aussi le microthéos, réunissant le haut et le bas. Le Yod, la tête qui est en haut et qui a pour valeur 10, c’est l’unité reconquise et les deux Hé de chaque côté, en hébreu hé veut dire souffle, représentent deux fois cinq, égal 10. Dans le yoga occidental les deux mains se joignent au-dessus de la tête, symbolisant ce deux fois cinq.
D’autre part, ces deux Hé, ces deux côtés symboliques du corps, sont notre souffle fait de deux pôles positif et négatif, que nous appelons les pôles de la contradiction ou de l’antinomie et de l’opposition.
Tout ce qui va être créé le sera sur un mode binaire : la lumière et les ténèbres, les eaux d’en-haut et les eaux d’en-bas, la séparation du sec et de l’humide, etc. Nous-mêmes nous sommes créés sur un mode binaire, prenez le rythme cardiaque, diastole – systole, inspire – respire, etc.
A l’intérieur du Jardin d’Éden — n’oublions pas que ce jardin est notre être intérieur — sont les deux Arbres qui nous structurent : l’Arbre de Vie et l’Arbre de la connaissance du bien et du mal, dont le nom donne lieu à un énorme malentendu, à un malentendu dramatique, qui nous a conduits dans l’impasse où nous sommes actuellement. Comme si le mal était en Éden. Le mot « bien » en hébreu est Tov, la perfection atteinte, elle ne peut aller plus loin. A la limite c’est la mort, l’arrêt.
Il faut donc pour continuer la vie briser cette perfection en introduisant un élément nouveau qui va lui faire vivre son contraire pour pouvoir passer à un autre terme qui sera une nouvelle genèse qui, à son tour atteindra une nouvelle perfection, et ainsi de suite. En hébreu nous avons les mêmes lettres, dans les mots perfection et mort, c’est la même énergie.
Au bout de chaque perfection acquise il y a un recommencement qui se traduira à chaque étage par l’image d’un germe. Au premier niveau le pied a la forme d’un germe. Puis lorsque le premier étage sera franchi par l’enfant et qu’il se trouvera devant une nouvelle porte, le rein symbolisera le germe dont il a également la forme. Et quand enfin l’homme ira frapper à la Porte des Dieux, il trouvera l’oreille qui a elle aussi la forme d’un germe.
L’Arbre de la connaissance du bien et du mal n’a donc rien à voir avec le mal. Il est l’Arbre des deux rôles de la Réalité qui se traduit au niveau de la manifestation et de notre expérience par des contraires qui constituent l’élément dynamique et déifiant de la vie.
C’est cela qu’expriment les deux côtés de notre corps. Et l’enfant quand il va naître, va se trouver en face de ces contradictions qu’il va devoir intégrer. Toute sa vie va consister à vivre ces contradictions. Et un jour il prendra conscience que la vie ne consiste pas à s’opposer, à combattre, mais à épouser, à saisir, à vivre avec et ce sera alors son entrée dans le second étage.
Question : Doit-il s’abandonner ou doit-il par une action consciente et volontaire aller vers l’épousailles ?
Réponse : Le dynamisme à introduire est beaucoup plus dans une conscience et une attitude intérieure que dans la lutte. Toutes les traditions parleront de l’abandon qui est quelque chose de très conscient, qui n’a rien à voir avec le laisser-aller. Conscience d’être, mais pas volonté. Celle-ci joue au premier étage, ensuite c’est une vigilance active, une ouverture totale.
Nous verrons plus tard que symboliquement le mariage du père et de la mère, de l’homme et de la femme, à ce niveau-là, n’a aucunement pour but la procréation de l’enfant qui lui, est quelque chose de béni et générateur de famille. Mais c’est la construction de chacun pour atteindre à la dimension de l’unité. C’est le véritable but de tout mariage.
C’est par leur qualité d’être et non par ce qu’ils vont lui apprendre que les parents auront par identification à aider l’enfant à former ce sentier, sa colonne vertébrale. Et quand il passera la première porte, il va continuer à se structurer, mais non pas dans l’ignorance, mais dans la conscience que c’est un mariage à faire, une intégration de pôles contraires pour, au niveau de la tête, vivre l’unité conquise.
Toutes les traditions nous rendent compte de cela. Étant chrétienne, je m’arrêterai à la tradition chrétienne dans laquelle cette trilogie des deux côtés et du sentier du milieu est vraiment vécue. Nous pouvons identifier cette colonne du milieu à la personne du Christ. Diverses personnes vont venir se placer de chaque côté de cette colonne du milieu et nous verrons les deux pôles de la dualité se vivre d’une façon étonnante.
Nous verrons d’abord autour du Christ les deux personnages que sont Juda. L’un qui est le quatrième des tribus d’Israël (le Christ est né de la tribu de Juda), et puis le Juda de la main duquel il va mourir. Juda est un nom très proche de Yod-Hé-Vov-Hé avec un daleth en plus. Le daleth a pour nombre 4 et symbolise l’incarnation. Entre ces deux Judas, le Christ qui est vraiment Yod-Hé-Vov-Hé, assume son incarnation. L’un et l’autre sont nécessaires à l’histoire, Juda qui préside à la naissance et Juda qui préside à la mort. Cela n’a absolument rien à voir avec le bien et le mal.
Nous aurons après les deux Joseph, l’époux de la Vierge et Joseph d’Arimathie, l’un veillant sur la matrice de l’essence, l’autre sur la matrice du tombeau. Entre les deux la vie du Christ.
En hébreu le nom Joseph veut dire augmenter, ajouter. En effet toutes naissance et mort sont une augmentation, une élévation. A chaque moment nous mourons dans une épreuve et nous naissons à la sortie de l’épreuve.
Lorsque le Christ est sur la croix il y a les deux larrons, celui qui dit : « Souviens-toi de moi » et l’autre qui meurt. C’est le symbole de toute l’humanité, les deux pôles de la rigueur et de la miséricorde, l’un qui demande le souvenir et l’autre qui vit les rigueurs de la mort. Au pied de la croix il y a Jean et la Vierge, féminin et masculin.
On pourrait citer encore beaucoup d’exemples, mais il y en a un sur lequel il faut revenir. Ce sont les deux Jean, Jean-Baptiste et Jean l’Évangéliste qui vont incarner Janus que les anciens adoraient, qu’ils représentaient avec deux visages sous la forme d’une seule tête, un visage jeune et un visage de vieillard, le passé et l’avenir. La seule tête qui n’était pas représentée était celle du présent, car le présent est insaisissable. Ce troisième visage est incarné par le Christ qui est le non-temps, l’intemporel.
Et cela nous remet sur la voie capitale pour la compréhension de notre corps, à savoir que notre colonne vertébrale, ces vertèbres que nous allons construire les unes après les autres, nous obligent à vivre l’instant. Pourquoi ? Parce que nous sommes pétris d’absolu. Le drame c’est que nous sommes toujours à courir après le bonheur. Si nous ne savons pas tout arrêter et vivre la qualité de l’instant en nous greffant au monde du Mi, nous ne trouverons jamais le bonheur.
Et A. de Souzenelle cite le mythe de Chronos qui détrôna son père Ouranos, dieu du ciel, ce qui veut dire qu’il coupa l’homme de la conscience divine et le fit vivre dans le temps dont chaque seconde est mangée, comme Chronos mangeait ses enfants, sauf Zeus qui fut sauvé par sa mère Géa (la terre) à l’aide des Cyclopes à l’œil frontal, l’œil de la connaissance, qui vont reconquérir le trône divin.
Cela va être admirablement vécu par le Christ et les deux Jean. Jean-Baptiste, le vieil homme, revêtu de la tunique de peau, celui dont la tête va être coupée comme nous aurons à couper toutes nos fausses têtes et Jean l’Évangéliste, dont la vraie tête a reposé sur la poitrine du Christ. Il est l’homme vert, celui qui a revêtu la tête et qui ne doit plus mourir.
Une question : D’après tout ce que vous nous dites, il semblerait que les noms aient été dictés par une inspiration « connaissante ».
Réponse : Les lettres sont des nœuds d’énergies, des archétypes, des vibrations d’où sortiront les mots.
Question : Mais qu’est-ce qu’il y a derrière ces lettres ?
Réponse : Le cordon ombilical représenté par le sentier du milieu continue à nous informer, à moins que nous nous coupions du monde des archétypes.
Compte rendu de la réunion du 10.3.1977.
Après avoir parlé des structures verticales du corps nous abordons aujourd’hui la base de la colonne verticale, c’est-à-dire le pied.
Mais auparavant A. de Souzenelle nous rappelle que le mythe de la chute représente la coupure avec l’information supérieure, avec cette unité qui informe tout le corps. Nous sommes un peu comme un corps sans tête.
Notre animatrice insiste beaucoup sur la vie intra-utérine de l’enfant où l’enfant reçoit toutes les vibrations de la mère en même temps que les siennes propres. Il va y avoir une rencontre de ces deux pôles qui vont assurer son équilibre et lui donneront déjà une certaine vie intérieure. Nous avons déjà par ce vécu dans le ventre de la mère, contact avec les archétypes et nous sommes préparés à rentrer petit à petit dans le monde de la création et de la dualité.
Tout l’Arbre est contenu dans le germe et selon la formation intérieure de l’enfant, celui-ci va être appelé à pousser, a devenir un arbre de telle ou telle qualité. Il y a évidemment une grande part d’hérédité. Cet arbre qui est appelé à se développer, c’est l’homme. Il y a entre l’homme et l’arbre une complémentarité extraordinaire, ne serait-ce que par l’oxygène et le gaz carbonique. L’homme, en respirant rejette le gaz carbonique qui va être pris en charge par l’arbre qui va lui renvoyer de l’oxygène, etc. De plus la molécule qui donne à l’arbre la couleur verte et celle qui donne au sang la couleur rouge à une nuance près, c’est qu’il y a un élément fer dans le sang et un élément magnésium dans la chlorophylle. Beaucoup de passages dans les Livres Saints d’Orient et d’Occident expriment cette analogie. Lorsque le Christ guérit l’aveugle, celui-ci s’écrit : « Je vois les hommes, ils sont comme des arbres qui marchent ! »
Nous allons voir l’homme rouge devenir l’homme vert et cet homme vert est symbolisé par l’arbre vert de la forêt. Ce n’est pas par hasard que lorsque passe le Christ, Zachée est en haut de l’arbre. Les disciples l’expriment : « C’est parce qu’il est de petite taille et qu’il a voulu regarder passer le Christ et qu’il est monté en haut de l’arbre. » Et ce n’est pas non plus par hasard que le soir le Christ a voulu faire sa demeure chez lui. Il symbolise l’homme qui a monté tout son arbre, c’est-a-dire qui est identifié à l’arbre vert.
Nous le verrons aussi dans le mythe de Jacob et d’Ésaü. Tout cela met l’accent sur cet homme qui doit devenir l’Arbre tout entier qui est contenu dans le germe, donc symboliquement dans le pied qui contient toutes les énergies en puissance et en particulier dans le talon qui en est la racine. Le nom Jacob signifie d’ailleurs talon. Si le pied est intact, l’arbre est intact.
On pourrait citer beaucoup d’exemples, le serpent, après ce qu’il est convenu d’appeler la chute, pique Ève au talon, ce qui a pour conséquence la perte de toutes les énergies situées ce niveau.
A. de Souzenelle nous détaille le mythe d’Œdipe qui en est une illustration extraordinaire. Nous en donnerons les étapes et certains commentaires :
— Né d’un couple royal Laïos et Jocaste, la sibylle de Delphes prédit qu’Œdipe tuera son père et épousera sa mère. Épouvantés, ses parents décident de le faire mourir et le confient cet effet a un serviteur. Celui-ci pris de pitié abandonna l’enfant dans une forêt en l’attachant par son pied à un arbre. Le petit homme rouge est donc relié l’arbre vert.
— Œdipe est recueilli par des bergers. Il grandit avec sa blessure au pied. Son nom signifie d’ailleurs pied gonflé. Il marche à quatre pattes. Il sent qu’il est appelé à une autre vie, que dans ses veines coule un autre sang, et il décide à son tour de consulter la sibylle qui lui révèle le même verdict. Croyant qu’il s’agit du berger et de sa femme, Œdipe décide de s’enfuir loin de Corinthe et commence une longue marche (le labyrinthe du premier étage de l’arbre) Il est en pleines ténèbres, il n’a pas encore perçu la lumière.
C’est le moment peut-être le plus dramatique de l’homme, il cherche qui il est, n’ayant encore aucun contact en profondeur avec lui-même. La plupart des gens sont encore dans cet étage-là. Mais dans ce premier labyrinthe Œdipe est déjà conduit, car il a été pris en charge par l’arbre vert de la forêt et ces énergies vont le conduire sur la route de Thèbes.
Thèbes représente pour les Grecs d’alors ce que représente pour les Juifs et les Chrétiens la Jérusalem céleste. Thèbes c’est l’unité. Plus de tohu-bohu de la dualité.
Les lettres t et b constituent le fondement même de la dualité.Lorsqu’elles vont être réunies elles symboliseront la Création. Ce sont les mêmes lettres inversées qui forment « bat », la fille, qui n’est autre que la Vierge d’Israël, celle qui attend l’époux après avoir enfanté.
— Avant d’arriver à Thèbes Oedipe est bousculé par un char qui lui « écrase le pied ». Furieux — il est encore situé dans des catégories très psychiques, — il tue le conducteur du char qui n’était autre que le Roi. A Thèbes il apprend la mort du souverain et que la Reine promet la couronne à celui qui délivrera la ville du Sphinx, un monstre qui en garde la porte et qui pose une énigme, dévorant tous ceux qui ne peuvent y répondre.
On a beaucoup discuté sur le mobile qui a poussé Œdipe à décider d’affronter le Sphinx. Pour A. de Souzenelle, il fut motivé par un désir de dépassement de soi-même, si fréquent chez les jeunes.
A ce point de l’histoire, A. de Souzenelle en analyse le symbolisme : Les parents bergers et les parents royaux représentent deux étapes dans les relations parentales, les bergers sont les parents « en tunique de peau », desquels nous naissons. L’essence d’Œdipe était une essence royale, comme notre essence à chacun de nous est royale. Les textes de la Thora disent : « Chacun de nous est Roi et Prêtre ». Le Roi et la Reine de Thèbes sont les archétypes que porte en lui tout homme et Œdipe en particulier. Pour atteindre ce dépassement de lui-même, il lui faut gravir un à un les échelons de l’échelle de l’Arbre qu’il va constituer. Et, en premier lieu il devra passer par la porte symbolisée par le Sphinx, monstre terrifiant qui a des pieds de taureau, un corps de lion, des ailes d’aigle et un visage de femme.
Cela nous rappelle tout de suite les quatre vivants du char d’Ézéchiel, de ce char qui de chaque côté est tiré vers une autre direction et qui avance tout de même.
Nous sommes là devant le char des archétypes, au-delà de toutes ces contradictions. Ces vivants représentent les mêmes quatre niveaux que nous retrouvons dans les quatre Évangélistes : l’Aigle de Saint-Jean, le Lion de Saint-Marc, le Taureau de Saint-Luc et le visage d’ange de Saint-Mathieu.
Et que signifie le Sphinx ? L’homme qui par ses pieds de taureau est lié à la terre, le taureau est aussi signe de fécondité ; le corps du lion représente le Lion solaire, le soleil de l’être ; l’Aigle est le gardien du seuil d’une des portes, il est la connaissance et le visage de femme, le visage de l’androgynie, symbolise le visage de l’homme qui a épousé son féminin et qui vit l’androgynie. C’est la dernière naissance de l’homme qui a retrouvé l’union totale entre ses deux polarités.
Le Sphinx pose la question : « Quel est l’animal qui marche le matin sur quatre pieds, à midi sur deux pieds et le soir sur trois pieds ? » Et Œdipe qui a marché sur quatre pattes dans son enfance et qui n’a pu marcher sur deux pieds, mais comme un vieillard sur trois, cherchant son midi, c’est-à-dire le milieu, les relations avec le monde du Mi, se sent concerné et répond tout de suite : « C’est l’homme ! » Le Sphinx tombe alors du rocher et meurt en laissant sa place à Œdipe, symboliquement il lui laisse le haut de l’Arbre.
Ce Sphinx qui est le gardien du seuil, de la porte que nous devons franchir, n’est rien d’autre que nous-mêmes, de notre devenir. Et cette dimension est terrifiante, parce que nous ne l’avons pas encore atteinte et que nous avons peur. C’est en nous mesurant à cette dimension que nous en acquérons la structure.
A chaque seuil nouveau nous aurons à nous battre avec le gardien de la porte. Nous le retrouvons aussi dans la lutte de Jacob avec l’Ange, sauf que dans la tradition hébraïque il ne s’agit pas d’un Ange, mais d’un Ich, c’est-à-dire d’un homme total, totalement réalisé. D’un côté de la porte le gardien du seuil nous paraît terrifiant, et l’autre côté il nous apparaît sous forme d’un Ange.
— Œdipe épouse la Reine. Il en a quatre enfants symbolisant eux aussi les quatre étages que nous avons trouvés dans le Sphinx. Ismène, la force un peu élémentaire, le taureau ; Polynice : multiple victoire, l’étage du lion ; des douze travaux d’Hercule, des douze vertèbres à structurer, etc. ; Etéocle qui veut dire la vraie clef, les clavicules, les clefs donnant la libération et Antigone, le beau visage de la femme, l’être totalement réalisé qui a retrouvé non la virginité du premier âge, mais celle de la Terre-Mère, de la Terre-Vierge qui va enfanter l’enfant divin. Ce sont les quatre enfants qu’Œdipe a créés et non procréés.
— Thèbes est détruite par la peste qui n’est pas la maladie que nous connaissons, mais un fléau général, c’est-à-dire, Thèbes est frappé de stérilité, que ce soit dans la végétation, chez les animaux ou chez les humains. En réalité il s’agit d’une humanité qui ne s’enfante pas elle-même sur des plans supérieurs. Nous trouverons la même chose lorsque nous étudierons le Déluge.
L’humanité est donc stérile à l’exception d’Oedipe et de Jocaste, parce que, en épousant sa mère, Oedipe fait la seule œuvre « mâle » qui soit, qui est de remonter tous les plans dont nous sommes faits et qui sont exprimés dans la genèse de l’homme à travers le mythe hébraïque des six jours de la Création. Et l’homme en étant la récapitulation, va avoir à épouser à l’intérieur de lui chacun de ces plans et à être emmené petit à petit dans ses profondeurs.
Tout le drame de la chute consiste en ce qu’il a voulu brûler les étapes.Donc l’homme qui veut atteindre ce qu’il est en potentialité, devra épouser tous les plans de la Création, qui sont des terres, des plans de conscience successifs et à la dernière terre il retrouve cette Mère terrifiante qui est simplement l’abîme qui le sépare de Dieu.
Jocaste, lorsqu’elle a la révélation de la vérité va se pendre et Œdipe s’arrache les yeux. Il est désormais l’aveugle, conduit par Antigone et c’est ainsi qu’il arrive à l’étape finale qui est Colonos. Et c’est l’apothéose ! Il est reçu par les Euménides et il entre dans le séjour des dieux. Si Œdipe est aveugle au monde, c’est pour que s’ouvre son œil intérieur. C’est l’aveuglement de l’Apôtre Paul sur le chemin de Damas, c’est la descente du Christ dans le tombeau, c’est la déambulation dans les enfers qui sont la descente dans nos profondeurs.
Au niveau de chacune des terres nous aurons à nous libérer de nos démons, c’est-à-dire de nos énergies qui ont été mal investies et qui se sont retournées contre nous, qui nous détruisent au lieu de nous construire. Toute la déambulation d’Œdipe tenant l’épaule d’Antigone, c’est la démarche de tous ceux qui descendent dans les enfers, accompagnés de leur guide.
Colonos, c’est le haut de la colonne, c’est la dimension d’Antigone atteinte par Œdipe.
Nous avons accompagné Œdipe, pied enflé, d’un bout à l’autre de son évolution. Et par cela même nous avons déjà vu un peu tout l’ensemble de l’Arbre, alors que c’est progressivement que nous devons y arriver. Mais on ne peut pas couper les mythes antiques. Nous ne pouvons pas prendre le symbole de chacun de nos organes, si nous ne le voyons pas dans la totalité de son expression.
Qu’est-ce que retourner dans le ventre de sa mère, si ce n’est se faire germe et revivre cet état qui est symbolisé par le pied ?
3: La première porte
Compte rendu de la réunion du 26.4.1977
A. de Souzenelle revient aux « trois portes » qui sont à franchir au cours de la vie, celle de l’Avoir, la première, au niveau du pied dont la forme ressemble à un germe, la deuxième, celle des Hommes, au niveau des reins qui ont également la forme d’un germe, et la troisième celle des Dieux, au niveau de l’oreille qui a encore la forme d’un germe.
Ces trois germes dessinés à chacun des étages signifient bien la totalité des énergies dont nous aurons besoin pour franchir un nouvel étage de l’Arbre. Malheureusement nous avons vu que bien peu de forces montent hélas même jusqu’aux reins à cause de cette « blessure du pied » dont parlent toutes les traditions et qui représente une sorte de perte d’énergie au départ.
Les différents mythes, déjà étudiés, nous montrent qu’une guérison est possible. Dans le mythe de Chiron, dans celui d’Œdipe et dans les Évangiles où nous voyons le Christ laver les pieds de ses Apôtres, afin qu’ils puissent prendre part au festin, car « il suffit que les pieds soient purs pour que l’être entier soit pur ! » Nous pouvons faire là le rapprochement avec le fait de se déchausser pour entrer dans un lieu saint.
Aujourd’hui nous parlerons du genou, parce que nous sommes toujours encore dans la séphira Malkuth qui semble-t-il, rassemble pieds et genoux parce que liée à toute l’expérience de l’incarnation qui, elle, est liée à un symbole de terre.
Dans ses recherches sur la signification de Malkuth et celle des genoux, A. de Souzenelle fait la proposition suivante : Malkuth est à la fois les pieds situés astrologiquement dans le signe d’eau des Poissons, et les genoux situés dans le signe de terre du Capricorne.
Les pieds sont tout l’Arbre résumé en Malkuth, puisqu’ils sont le germe, la promesse et les genoux sont symboles d’incarnation, de prise de contact avec la terre. Ni les contes, ni les mythes, ni les légendes mettent les genoux en image.
A. de Souzenelle s’est donc appuyée sur des gestes rituels ayant trait aux genoux ; s’agenouiller, l’adoubement dans la Chevalerie, dans lequel il y a une prise de terre avec le genou. Dans l’iconographie on voit des sortes de spirales autour des genoux et, en particulier chez le Christ en Gloire de Vezelay, comme si les genoux étaient liés à une sorte de couronne. Lorsqu’un enfant se blesse aux genoux, on dit qu’il est « couronné » et cette expression s’emploie surtout dans le langage hippologique. D’autre part, le genou est constitué par devant par une « rota » la rotule qui est bien une petite roue. On pourrait conclure que dans les genoux, nous voyons un peu la même promesse de couronne au niveau de l’incarnation, dans la dualité, que pour la Couronne située en-haut de la dernière séphira, celle à laquelle l’homme est destiné et qui va couronner ses épousailles avec le Divin. Le genou serait notre point de départ à partir du moment où nous naissons.
Dans la Bible une traduction erronée dit que l’homme est né de la poussière de la terre, tandis que la vraie traduction, c’est « l’homme est né poussière de la terre, ce qui est différent, le mot poussière qualifiant l’homme et non la terre. En hébreu le mot poussière se dit APHAR qui est constitué de PHAR = taureau, symbole de fécondité et qui préside à toutes les croissances de l’être. Lorsqu’au début de la Genèse Dieu dit : « Croissez et multipliez », c’est PHAR qui signifie croître, grandir. Il ne s’agit pas de multiplication selon le nombre, mais comme nous le verrons lorsque nous étudierons la séphira Yesod, de monter notre Arbre et de nous multiplier selon nos puissances essentielles.
Les genoux sont donc liés à cette promesse de croissance, de fécondité, symbolisée par le taureau et il est dit que le Pharaon (même mot PHAR), quarante jours après sa mort, doit se mesurer à un taureau avant de devenir dieu.
Nous ne pouvons prendre contact avec le Ciel qu’en prenant aussi contact avec la Terre, parce que ce sont deux pôles de « l’aimant cosmique ».
Pour revenir au mot APHAR il est intéressant de noter que le mot PHARA signifie chevelure, c’est le haut de la tête qui est conquis. Les Hébreux jouent avec les lettres qui sont toutes des énergies et qui rendent compte beaucoup plus qu’un mot. Ce sont des jeux divins.
Il est dit dans le Zohar : « Au commencement, le Saint, béni soit-Il, jouait avec les vingt-deux lettres de l’alphabet et en faisait ses délices ».
Toute la force est dans la chevelure, tandis que le fait de se raser la tête, peut parfaitement signifier l’expression la plus haute, la plus noble, un renoncement total à toutes les forces, à toute sexualité.
Revenons aux genoux, en hébreu BELEN. C’est le même mot qui, prononcé BERUK, veut dire bénédiction, bénédiction dans la fécondité de la Terre. Baraka vient de là, et si on lit BEKER en retournant le mot, c’est la nouvelle naissance. BOKER est le premier-né des animaux, chez les hommes on dira que ce sont les aînés. Mais nous savons, nous, qu’il s’agit de notre première naissance à nous-mêmes et non selon le nombre, alors que nous allons vivre au niveau des reins une deuxième naissance et au passage de la gorge une troisième.
Et cette première naissance, le mot l’indique bien, se fait au niveau des genoux.
Un autre retournement du mot est KERUB, les Chérubins avec lesquels nous retrouvons la notion de roue, parce que dans beaucoup d’iconographies, particulièrement la Judéo-chrétienne et la Persane, ceux-ci sont décrits par de grandes roues avec des yeux tout autour, tel le char vivant dans le premier chapitre d’Ézéchiel.
Saturne aussi a son anneau, sa roue. Or, il est lié sur le plan des métaux au plomb et le mot PHAR, poussière, avec une lettre de plus, le Tav, la dernière lettre de l’alphabet, est comme l’énergie la plus lourde, la plus condensée. L’homme qui arrive au monde est plomb et toute l’alchimie va se servir de cette image pour que le plomb devienne or.
Le genou est donc lié dès le départ à la Terre extérieure. Mais la Terre est aussi symbole de notre Terre intérieure. Dans tous les mythes, lorsqu’il est question de terre, il s’agit de notre terre intérieure, c’est-à-dire de notre plan de conscience. Car nous ne voyons le cosmos qu’au niveau de notre plan de conscience. Nous la voyons différente selon le niveau auquel nous sommes.
Dans l’Apocalypse le fils de l’Homme va dire : « Voici les Cieux nouveaux et la Terre nouvelle ». Il ne s’agit pas de planètes, mais d’une terre intérieure nouvelle qui va amener une nouvelle conscience.Et chaque fois que nous avons un personnage biblique important, le nom de la terre à laquelle il appartient, va toujours être signifié.
Le seul enseignement sur les genoux en hébreu et que connaisse A. de Souzenelle est celui où Elie, pour prier, monte au Carmel et « met ses genoux en terre et sa tête entre les genoux ». Autrement dit les genoux, revenant dans la poussière, prennent leur capacité de fécondité et la tête vient rejoindre les genoux. C’est le cycle total qui est accompli.
Nous abordons maintenant les jambes, les cuisses et les membres inférieurs en général. Les jambes, dans toutes les traditions, sont symbole de nos activités primaires, de nos énergies les plus archaïques. Elles sont particulièrement symbolisées par le cheval qui est entièrement dans ses jambes et qui, lorsqu’il a une jambe abîmée, est abattu parce qu’il est avant tout coursier.
Quels sont les rapports entre le coursier et l’homme ? Quand l’homme, dans la fougue de la jeunesse, dans ses forces les plus primaires n’est pas capable de monter son cheval, c’est lui qui emmène l’homme où bon lui semble, l’homme n’est pas encore devenu homme. Et tout le symbole de la Chevalerie sera d’apprendre à l’homme de monter son cheval et non pas de le tuer. Car celui qui tue ces forces là, ces forces animales qui sont en tout homme et qu’il doit accepter et assumer, les verra se retourner contre lui.
Les articulations sont extrêmement importantes, tout est encore à découvrir à ce sujet. Avec la cuisse nous sommes en liaison avec les hanches, parce que en hébreu, c’est le même mot, si ce n’est que la cuisse fait fonction d’organe mâle et la hanche d’organe féminin. La hanche est la coupelle de la cuisse.
«Naître de la cuisse de Jupiter » signifie nettement notre seconde naissance au niveau de la Porte des Hommes. Il y a des rites très curieux au sujet de la cuisse : lorsque Abraham envoie son serviteur à la recherche d’une femme pour Isaac, il lui dit : « Mets ta main sous ma cuisse, et jure-moi… ».
La main, c’est la connaissance. Il y a là comme une information qui va être liée à ce contact entre la main du serviteur et la cuisse du maître, comme si la transmission passait à travers elle. La cuisse est aussi liée à la sexualité, mais aussi à toutes les énergies qui vont être investies à un passage à un autre plan.
Dans le mythe d’Hercule, la déesse Héra qui est la force germinatrice, introduit deux serpents dans le berceau de l’enfant afin de le faire mourir. Les deux serpents sont les forces de la kundalini qui doivent le faire mourir, parce qu’il faut qu’il vive une mort et ensuite une résurrection. Ce n’est que par les morts et résurrections successives que nous pourront affronter les Gardiens du Seuil de différentes Portes.
En hébreu le genou c’est BEREK et la cuisse YAREK avec un Yod à la place d’un Beith. Les lettres du genou ont respectivement pour valeur Reich, 200 et le Kaf, 20, ce qui fait 222, rien que des 2. Voilà le rapport avec la Terre, le genou reçoit toutes les informations de la Terre et le Yod, l’organe mâle, apporte une force divine. Le Yod = 10, est l’unité. C’est le Divin qui va percuter le haut de la cuisse. A chaque rencontre avec l’Unité, se trouve le Divin.
Compte rendu de la réunion du 12.5.1977
Nous allons parler de Yesod situé à la base du triangle inférieur renversé et qui correspond à l’énergie, appelée « fondement ».
C’est ce personnage mystérieux dont on ne sait pas d’où il vient et où il va,Melchitsedek, qui a illustré le nom de Tsedek, qui veut dire justice. Non pas celle qui récompense le bien et punit le mal, notion due à une erreur de traduction et qui a déformé notre conception, mais la rigueur qui n’a rien à voir avec récompense ou châtiment.
Cette justice qui occupe l’axe du milieu correspond au niveau du corps à notre colonne vertébrale qui ponctue toujours le troisième terme des deux pôles de la dualité que nous essayons d’intégrer. Notion d’équilibre et d’harmonie, elle est justesse, juste rapport entre la lumière et les ténèbres, entre le sec et l’humide, entre tous les pôles opposés de la dualité qui font nos contradictions si douloureuses, alors que si nous les vivons en harmonie, nous passons à des plans supérieurs qui nous valorisent.
La séphira Yesod, la base, le fondement, correspond au pouvoir créateur divin. Elle précède en partant du haut, Malkuth, le Royaume qui est le même mot que Malekoth, l’Œuvre divine toute entière. Yesod est la séphira de l’Acte Créateur dans laquelle Malkuth va exprimer cette diversité extraordinaire de la Création.
Au niveau du corps elle représente la base de la colonne vertébrale et le sexe. Située à la base du second triangle renversé par rapport au triangle archétype, elle est un premier miroir de Kether qui est en-haut et qui est la Couronne. Nous avons dans ce triangle toute une matrice qui va assurer la maturation du germe. Et, de même qu’en-haut l’homme est appelé à assumer sa dernière naissance, nous allons en-bas avoir la naissance de l’enfant. Ce triangle inférieur va assurer la procréation selon le nombre, la perpétuation de l’humanité, tant que celle-ci n’aura pas pris conscience d’une autre croissance et d’une autre création. L’humanité va se mettre au monde et toutes les naissances successives qu’elle a à accomplir prendront ici leur départ.
Nous avons l’impression actuellement de vivre une fin des Temps. Il semblerait que l’humanité doive passer très vite une nouvelle étape très importante, sans quoi elle va y rester. Les événements extérieurs nous forcent à franchir cette Porte et ceux qui ne l’auront pas passée seront ratissés dans des épreuves terribles. Chaque fois que dans les Écritures il est question de « femmes enceintes », c’est de cette procréation qu’il s’agit, car l’humanité est faite pour la procréation selon le Verbe. Il y a une dialectique très importante entre le triangle supérieur et ce triangle inférieur. Or l’homme s’est coupé de cette information essentielle depuis ce qui est censé être appelé la chute, il a oublié ce qu’il était, il ne se multiplie plus selon le Verbe.
C’est là tout le drame du Déluge où seul Noé semble avoir pris conscience. Et Dieu lui dit: « Construis ton Arche », c’est-à-dire son quadrilatère qui se trouve au-dessus des eaux. Le Déluge est une anarchie des eaux, une matrice qui ne sait plus comment assumer sa gestation. Noé, en construisant son Arche, construira son triangle supérieur. Yesod est à la base de cela. Sod en hébreu signifie le secret et le Yod qui précède, c’est le Divin. On peut donc traduire Yesod par Secret Divin.
A partir de la séphira Yesod, l’adolescent se sent relié à ses véritables structures et veut envoyer promener ses béquilles, toutes les dualités qui l’empêchaient de vivre sa vie.
C’est à partir de ce moment là qu’on peut vivre une sexualité qui va s’exprimer par le mariage de deux pôles, de nos déchirantes dualités intérieures. C’est aussi symbole du mariage de l’homme avec la femme, qui seul à ce niveau là se fait de façon « juste », lorsque les deux pôles auront trouvé leur troisième terme qui n’a rien à faire avec l’enfant qui n’en est que le symbole. L’archétype du mariage est de mettre au monde ce troisième terme. Car au fur et à mesure des différents mariages que nous aurons à faire à l’intérieur de nous et qui seront de plus en plus précis, nous aurons à mettre au monde l’enfant divin. Il ne faut pas confondre l’enfant qui assure la continuité de l’espèce avec l’enfant divin.
Tout un courant religieux occidental a proposé la procréation comme but du mariage, ce qui a donné lieu à des situations morales dramatiques. Il faut dénoncer l’erreur néfaste d’avoir déclaré tabou tout ce qui touche à la sexualité, alors que le secret est tout à fait autre chose. Or la sexualité fait partie de notre être et nous avons à l’assumer. Et parce que cela a été vécu jusqu’à présent dans le mauvais sens du terme, nous vivons actuellement ce déferlement qui désacralise tout.
Reparlons de la signification de « justesse ». Une partie seulement des énergies doivent être vécues au niveau de Yesod, afin qu’il y en ait encore de disponibles pour construire l’Arche. Elles doivent donc être vécues avec « justesse », d’où ce nom de Tsedek.
Melchitsedek est le premier dans l’ordre des sacrificateurs, le sacrifice, faire le sacré, qui n’a rien à voir avec le sens qu’on lui donne communément. On ne sait rien de Melchitsedek sinon qu’Abraham lui donnait la dîme, c’est-à-dire qu’il devait lui consacrer un dixième de ses énergies. Les neuf-dixièmes pouvaient être vécus, mais un dixième devait être consacré pour monter l’Arbre.
Le 9 est la perfection féminine, un accomplissement de la Création, avant qu’elle ne rencontre le 10 divin.
Il est intéressant, dans cette perspective de voir la signification chez les Juifs de la circoncision. Elle ne fait pas partie de la Loi mosaïque comme il en est de tous les rites auxquels obéissent les Hébreux. Elle leur est bien antérieure. Elle est demandée à Abraham dans le pacte de la « Nouvelle Alliance ». Il y a toujours de nouvelles alliances entre Dieu et l’homme. Parce que Dieu propose, mais l’homme s’obstine à suivre des chemins différents. Alors Dieu va le rechercher là ou il est et lui offre une nouvelle alliance, parce qu’il y a mariage entre Dieu et sa Création. L’épouse s’enfuit.
Tous les textes parlent de cette prostituée qui va avec de faux amants. Mais Dieu aime toujours son épouse et lui propose chaque fois un nouveau mariage. Dieu promet à Abraham de devenir père d’une grande nation s’il s’engage à circoncire tous les mâles qui naîtront de lui.
Or qu’est-ce que c’est que la circoncision ? C’est la taille du sexe de l’homme au moment où la fécondité lui est promise. Abraham et Sarah étaient stériles avant ce pacte, stériles dans le sens de la stérilité essentielle de l’humanité qui, depuis sa chute est incapable de monter l’Arbre et de donner des fruits. A travers Abraham naîtront les douze tribus d’Israël qui donneront naissance à celui qui va devenir le Messie, le Christ pour les Chrétiens et le Messie encore attendu pour les Juifs. La fécondité promise mettra au monde le Verbe créateur.
La circoncision, ainsi comprise, n’est autre que la loi à laquelle obéit toute la création : pour mettre l’arbre à fruit, il faut tailler.
Ismaël à ce moment a 12 ans, il est le fils de la servante qui procrée, tandis que Sarah est l’humanité, fille de Dieu. En réalité il n’y a qu’une humanité, mais symboliquement elle est représentée dans ses deux dimensions. Ismaël sera circoncis à 12 ans et toute sa lignée, en particulier le monde arabe va être circoncis au moment de la puberté. L’effet en est extrêmement différent. Celle pratiquée à la naissance par les Juifs, semblerait rassembler toutes les énergies de l’enfant et permettrait de les faire monter, comme la sève monte dans l’arbre lorsqu’il est taillé. Les lettres de la circoncision sont le M et le L et tout ce qui a trait en hébreu à la fécondité contient ces deux lettres.
Au premier Concile tenu par les Chrétiens, saint Pierre voulait continuer cette pratique, mais saint Paul pensant que le Messie étant venu et ayant donné à l’homme sa dimension de créateur, la circoncision devenait inutile.
Un autre problème se pose : pourquoi la femme est-elle dite impure au moment de ses règles et après qu’elle ait mis au monde un enfant ? Dans toutes les traditions il y a à ces moments-là, nécessité de Purification. Là encore il ne faut pas prendre pureté dans son sens moral. La pureté ou l’impureté sont liées aux normes d’Adam avant la chute et à ce qu’il est devenu après. Dieu a demandé à Noé d’introduire dans l’Arche « les animaux purs et impurs ».
Il semblerait que l’humanité dans son rythme de sexualité est liée à la Lune, comme les règles de la femme le sont au cycle lunaire et que cette sexualité vécue en tant que procréation, en tant que nécessité dans le temps, soit formulée comme impure au sens étymologique du mot et non au sens moral. Adam n’avait pas besoin de procréer. C’est difficile pour nous de le comprendre, d’avoir accès à cette réalité, mais il importe qu’au lieu de ramener la Réalité essentielle à nos petites catégories, nous contemplions quelque chose qui nous dépasse. C’est la femme qui assume cette notion de procréation, mais elle est aussi l’humanité toute entière qui sera impure tant que la femme le sera. L’humanité dans son principe ontologique n’a pas à procréer, mais à réintégrer son humanité, son éternité. C’est la sortie du temps.
Depuis cette notion de chute nous avons vers la mort une pulsion qui est terrible. Nous assurons notre descendance au lieu d’assurer notre ascendance.
La vraie procréation c’est celle où nous nous mettons au monde nous-mêmes et cela se fera par des épreuves — surtout dans les premiers triangles. Après nous pourrons-nous libérer peu à peu, parce que nous serons dans une harmonie et dans des plans de conscience dans lesquels nous continuerons nous-mêmes ces enfantements.
Une autre façon de comprendre le mot Yesod d’après les lettres qui le forment et en ne considérant comme cela se fait en hébreu que les trois consonnes, nous avons la lettre Samech qui forme le milieu et deux lettres, Daleth et Yod qui l’encadrent. Il semblerait que ces trois lettres soient la base, l’appui de toute la conscience divine de l’homme.
Cela est confirmé par ce que rapportent toutes les traditions, à savoir que l’homme aurait à la base de la colonne vertébrale une toute petite partie infinitésimale de son squelette, qui serait imputrescible. Même à l’incinération cette partie ne serait pas consumée. Elle est cette partie sacrée de l’être qui va monter peu à peu tout le long de la colonne vertébrale.
Chez les Hébreux elle est appelée LUS qui signifie l’amande. Le mot lux en latin en découle probablement. On retrouve ce mot LUS au moment où Jacob a sa vision de l’échelle qui n’est autre que la colonne vertébrale au niveau de chacun de nous. Et la vie de Jacob ne sera que montée de l’échelle. A travers lui l’humanité va devenir lumière. Et cette lumière sera symbolisée par la Mandorle qui n’est autre que cette amande qui était intérieure et qui devient extérieure par un retournement de toutes les énergies. La notion de l’amande se retrouve aussi dans tout le symbolisme de l’Émeraude qui va devenir la Coupe du Graal.
En réponse à une question : Le Daleth, le 4, ce sont les structures. Il n’y a pas de mise au monde sans matrice pour la recevoir. On verra toujours les justes rapports entre le 3 qui est la vie et le 4. Dieu dit au 3 et au 4 : « Ne vous séparez jamais, car vous êtes indispensables l’un à l’autre. » Car que serait le 3, la vie sans les structures, le 4, et que seraient les structures sans la vie ?
Nous passons maintenant au mythe du Déluge qui est l’anarchie des eaux, auxquelles manque le juste rapport entre les eaux du haut et les eaux du bas, c’est-à-dire que les énergies de la création ne sont plus à l’image des énergies divines. Lorsqu’il y a « injustesse » intérieure, cela se traduit par des troubles extérieurs. Nous le vivons actuellement.
L’homme, donc, se multipliait sur la terre avant d’avoir cru et Dieu dit à Noé qui est juste, qui est tsedek : « Construis l’Arche », en lui donnant toutes les proportions qui se rapprochent de celles de l’Arche d’Alliance, du Temple de Salomon et de la Jérusalem Céleste. Il est intéressant de les étudier et de les comparer. Que sont tous les hommes de la Création qui y seront rassemblés ? Ce sont les vivants, ce sont toutes les énergies. Une chose intéressante, c’est que Noé entre dans l’Arche avec ses fils et sa femme avec ses filles. Mais lorsqu’ils en sortent, Noé sera avec sa femme et ses fils avec leurs femmes. Le mariage s’est accompli dans l’Arche.
Nous retrouvons la même chose dans le mythe babylonien, dans l’histoire de Gilgamesh. Parti à la conquête de l’immortalité, il va retrouver dans l’Au-delà son ancêtre Out-Naphishta. Sous beaucoup d’aspects l’histoire d’Out-Naphishta est celle du Déluge de Noé. Lui aussi, reçoit de Dieu l’ordre de construire non une Arche, mais un bateau. Comme Noé, il entre seul dans le bateau et en ressort avec sa femme et il est dit : « Jusque là Out-Naphishta n’était qu’un homme, dorénavant Out-Naphishta et sa femme seront comme les dieux, pareils à nous. Qu’ils aillent habiter l’embouchure des fleuves. » L’un et l’autre sont entrés par la Porte des Hommes et ressortis par la Porte des Dieux.
En hébreu le mot Arche symbolise tout mariage, c’est le mot Teba qui reprend les deux lettres de Tohu-va-Bohu de la Genèse qui signifie chaos primordial. Teba va assurer le mariage de toutes les énergies qui sont entrées en elle et cela va être signifié par toute une symbolique alchimiste, par le vol des oiseaux, celui du corbeau et de la colombe qui représentent ce que les alchimistes appellent : l’Œuvre au noir et l’Œuvre au blanc. C’est la séparation du subtil de l’épais.
Noé se sépare du reste de la population parce qu’il est devenu le « Juste », ayant vaincu les dualités que chacun de nous a en soi et qui créent nos conflits intérieurs, jusqu’à ce qu’il y ait irruption hors de l’Arche qui n’est autre à ce moment là que l’homme, appelé Œuvre rouge par les alchimistes, et qui va être symbolisée par l’ivresse de Noé, celle que les Chrétiens appellent ivresse de l’Esprit Saint, au cours de laquelle il découvre la nudité d’Adam avant la chute.
L’Œuvre Rouge se retrouve à la Pentecôte avec l’éclatement des langues de feu. Et, avec les trois fils de Noé, nous verrons la démarche des descendants de Noé, celle de l’humanité. Sem, c’est tous les Sémites et en particulier le peuple juif. Sem et Japhet vont recouvrir la nudité de leur père en marchant à reculons c’est-à-dire qu’ils revoilent la Lumière divine qu’ils n’ont pas la force de regarder et Cham qui aura jeté sur elle un regard impur, sera « brulé » et maudit. De lui descendent les Chamites, le peuple noir et en particulier les Éthiopiens.
L’Arche va se poser sur le Mont Ararat, mot formé en hébreu de Aror, malédiction, qui est l’injuste rapport établi entre l’homme et la Terre, entre Adam et Adama. Dieu ne dit pas, comme cela a été traduit : « La Terre est maudite à cause de toi », mais : « La Terre est maudite dans sa relation à toi », parce que tu n’es plus juste intérieurement. Ce n’est pas la punition de Dieu, mais c’est ce que l’homme a fait de sa relation avec la Création. Alors avec la dernière lettre ajoutée à Aror, c’est-à-dire Ararat, c’est la malédiction retournée, c’est la bénédiction, la malédiction vaincue.
Dans Ma-Boul, Ma est la matrice et Boul, le fruit. C’est ce dont l’humanité aura à prendre conscience par le Déluge qui remettra toutes les énergies à leur place. Et, en même temps, nous retrouvons le mot MOL = circoncision, le Déluge est une circoncision cosmique pour mettre l’Arbre à fruit. Les 40 jours du Déluge nous donnent le nombre 4, la matrice. Il en contient encore d’autres, tous symboliques.
0 commentaires :
Enregistrer un commentaire