Le
Féminin Sacré ou la capacité à actualiser nos potentiels
par
Rachel Cohen (entre parenthèse qq explications de votr serviteur)
Rachel
Cohen est psychanalyste, chargée d’enseignement auprès d’élèves
ingénieurs. Elle est l’auteure de nombreux articles.
«
Il est interdit de désespérer » Rabbi Nahman
Prélude
: Kabbale et Féminin?
Il
existe dans la pensée juive une approche traditionnelle : la Qabale.
L’un des piliers de la Kabbale, l’arbre des 10 sephiroth ou « arbre
des dix
lumières «récapitule
et décline à la fois les différents aspects de la création.
Sa
structure, faite des émanations divines, représente la trame
mystérieuse de la création, de même que celle de l’être humain.
Il
comporte dix sephiroth : les dix
lumières.
Daat,
la sephira secrète, invisible, désigne en hébreu la connaissance.
Daat
est le résultat du mariage:
- de la sagesse (Hochmah, le P-ere, le soleil, le principe actif) et
- de l’intelligence (Binah, la M-ère, la lune, le principe passif) en
un lieu inconnu de nous-même.
En
ce sens, la Qabale n’est pas une érudition, bien que les
descriptions ou tentatives d’explication de ce qu’est la Qabale
soient nombreuses (1).
La
notion de féminin,
a fortiori de féminin
essentiel (2), dans
la Qabale ne se laisse pas aisément saisir par les approches
traditionnelles. Le mot « féminin » s’emploie la
plupart du temps pour qualifier ce qui est considéré comme
caractéristique de la femme selon une image stéréotypée.
La
Qabale est accueil,
qualité essentielle du Féminin (3).
"Leqabel" en hébreu signifie recevoir. En arrivant à l’hôtel en Israël,
on se rend à la qabala, la réception. Et votre « cabas »
accueille vos provisions…! Le qabaliste n’est pas un savant, mais
un chercheur. Il ou elle est constamment en train de lire les textes
et d’interpréter. L’interprétation, loin d’être futile, est
créatrice, c’est même une attitude fondatrice de l’humain.
Au
cœur de la Qabale se trouve l’Arbre
des Séphiroth, l’Arbre de Vie, »qui
mesure 500 ans de marche… ». Il symbolise la vie, il
personnifie Dieu lui-même, le Créateur et ses forces créatrices.
Une
sephira est donc un contenant.
Chaque
sephira est à la fois féminine et masculine. Elle est féminine en
ce qu’elle reçoit et masculine en ce qu’elle donne. En voici une
bonne image, lorsque, dans un mariage, les mariés construisent une
« fontaine de champagne » à l’aide de coupes posées
les unes sur les autres en pyramide : le champagne versé dans la
première coupe va s’écouler de coupe en coupe jusqu’en bas.
Pour
créer le monde, D. envoya sa lumière, l’éclair étincelant :
certains vases, les Sephiroth du « haut » de l’Arbre,
résistèrent, d’autres furent brisés, le dernier, Malkhout, fut
seulement fêlé. Ce fut la
brisure des vases, qui
déplaça l’ensemble des éléments du plan divin. Or, les vases
furent brisés car ils refusèrent
d’accueillir la lumière.
Il
s’agit, pour les êtres humains en général et pour les juifs en
particulier, de réparer cette brisure des vases, c’est le temps,
ou l’espace du tiquoun, de la réparation,
c’est le « travail » de l’homme. Les étincelles de
lumière (288 pour être précis, disent nos sages) (4), restèrent
collées aux tessons, et se mélangèrent à eux. Elles formèrent
ainsi, pour une part, les « klipoth », les
écorces.
Lors
de la brisure des vases, les lumières furent séparées des
réceptacles, telle l’âme du corps. Un peu de puissance
spirituelle fut laissée en eux afin d’aider à la réparation
(Tiquoun) du monde d’avant la brisure, appelé Atsilouth.
Cette
puissance est représentée par les 288
étincelles,
demeurées dans les réceptacles. Elles sont issues de la « Lumière
Forte » cachée dans « l’utérus » de la
Mère Binah (3ème
sephira : intelligence) source de tous les jugements, comme le
mentionne le Zohar.
Nos
sages disent que pour ouvrir la mer lors de la fuite en Egypte, Moïse
unifia tous les contraires de Hessed et de Gevourah, la Miséricorde
et la Rigueur, en établissant un équilibre entre les colonnes de
droite et de gauche de l’Arbre des Sephiroth. C’est pourquoi le
verset 21 (Exode 14) précise « Moïse
étendit sa main sur la mer, et l’Eternel fit reculer la mer, toute
la nuit, par un vent d’Est impétueux… ». Le
souffle d’Est symbolise
la sephira Tipheret, la beauté, en tant qu’elle est capable sur la
colonne du milieu qui s’étend de l’origine (du levant : Kether
la couronne) à la fin (au couchant : Malkhout le royaume)
d’harmoniser la bonté absolue de Hessed et la rigueur du jugement
de Gevourah afin de faire surgir ladouceur.
« …
Comme il est dit, les eaux se rassemblèrent en un lieu, par l’appel
mutuel… des colonnes de droite et de gauche » (Sefer Raziel
25a.)
Réparer
la brisure des vases, faire le tiquoun, revient à libérer ces
étincelles de lumière.
Pour
cela, il faut tout d’abord prendre conscience que recevoir la
lumière et accueillir la lumière sont deux niveaux de conscience
différents, pour arriver la douceur (5).
Ainsi,
la problématique est posée : nous sommes en exil, nous recevons
tous la lumière, mais l’accueillons-nous ?
Depuis
la nuit des temps, cette capacité d’accueillir est associée au
Féminin.
Il
me revient un souvenir de mon enfance : j’étais intriguée par une
phrase qui accompagnait la reproduction d’un tableau « Rachel
pleurant ses enfants…(6), où l’on voyait une femme éplorée,
cheveux épars… inconsolable.
Le
Féminin est inconsolable.
Or
le Féminin est la dimension essentielle de la qabale. Rachel a le
cœur ouvert.
Pour
bien comprendre l’importance du cœur en hébreu, il nous faut
préciser ceci : la première lettre du premier mot du premier
paragraphe du premier livre de la Torah, dont nos sages nous disent
qu’elle contient toute la Torah, le Beth de Berechit, forme, avec
la dernière lettre du dernier mot du dernier livre, le Lamed de
Israël, le mot LEV, le cœur.
La
Torah toute entière est contenue dans le cœur. La
Torah sans le cœur est inutile.
Dans
l’Arbre des Sephiroth, le cœur est une coupe :
c’est la Sephira Tipheret, la beauté,
sephira centrale dans laquelle se déversent toutes les autres.
La beauté en
Tipheret, c’est le cœur
ouvert.
Les
femmes de la Bible, en particulier les matriarches, sont presque
toujours « toute beauté » : mais il est souvent trop tôt
pour les épouser.
Jacob
rencontre Rachel, au puits: il n’est pas encore ouvert, « le
jour est encore long, il n’est pas l’heure de faire rentrer le
bétail » (Genèse chapitre 29, versets 7 et 8).
Epouser
Rachel revient à épouser
son Féminin intérieur.
Mais il est trop tôt. Jacob devra attendre 7 ans, et commencer par
s’unir à Léa, sa sœur aînée, dont le nom signifie
« fatiguée », elle est celle qui a les yeux malades.
Laban, leur père, usera de ruse pour arriver à ses fins et Jacob
travaille 14 ans pour son beau-père avant de partir avec Rachel.
Le
chemin est long, plein d’errance(s), labyrinthique(s) avant
d’arriver en Tipheret, le lieu des noces, de l’union des
contraires, de l’ouverture
du cœur,
de l‘accueil.
Recevoir
la lumière et accueillir la lumière est ouverture du cœur
Se
faire coupe, c’est recevoir, s’ouvrir sans se briser. Que se
passe-t-il si l’accueil de la lumière ne se fait pas?
Nous
nous proposons d’explorer ce qu’implique cette dimension
d’accueil, ou de refus, de la lumière divine sur différents plans
: psycho-religieux, symbolique et spirituel.
Nous
serons amenés ce faisant à situer la dimension spécifique du
Féminin dans la qabale, tout d’abord, en la différenciant de la
Shekhina, mais peut-être ce chemin réserve-t-il quelques surprises…
Lecteur, laissons-nous saisir…
Dans
son beau livre « Isha,
dictionnaire des femmes et du judaïsme »(2001
– Calmann-Levy) Pauline Bebe, première femme rabbin de France
ordonnée en 1990 à Londres, dit qu’elle « ne sait si le
fait d’être une femme a influencé sa manière d’appréhender
les problèmes humains ».
Et
elle ajoute : « je
pense qu’il est encore trop tôt pour définir le
« féminin » (c’est
l’auteur qui souligne) dans
des termes libérés de tout schéma patriarcal (7).
Ish
et Isha : féminin et masculin mêlés, deux parts de nous-mêmes.
Le
féminin en hébreu se dit Nekeva,
d’une racine qui veut dire : trou.Le
féminin, c’est le trou qui
peut être abysse ou ressource.
Au-delà
de l’aspect trivial qui pourrait choquer de prime abord, cette
relation « féminin / trou » autorise une approche plus
précise de cette notion du Féminin dans la qabale : avant d’aller
plus loin, rappelons que le masculin se dit Zakhor,
fondé sur la lettre Zaïn, sexe et arme, à la fois.
Ce
mot prononcé Zakhar, signifie « se souvenir » : faire
oeuvre mâle serait donc, en pénétrant son Féminin intérieur, se
souvenir de l’étincelle divine, du noyau divin fondateur de
l’être.
Comment
le Féminin est-il représenté traditionnellement?
Dans
l’ancienne Chine, entre autres, car ces archétypes sont communs à
de nombreuses traditions, la dualité Yin/Yang présente
le Yin, féminin, comme sombre, humide, frais, inconscient, lunaire,
par rapport au yang, masculin, lumineux, sec, chaud, conscient,
solaire…
Le
féminin est associé à l’obscurité, à l’autre côté des
choses,souvent
caché ou secret, aux grottes, temples-grottes ou cavernes…, là où
a lieu l’initiation, souvent à l’aide de contes…, là où il
faut descendre…
Chez
les Dogons, on ne conte que la nuit. Conter
le jour rendrait les femmes stériles.
La
« parole huilée » prend sa source dans le réservoir des
contes qu’est le pancréas, et elle émerge comme un tapis tissé
de couleurs qui chatoient… La
forme du conte, analogique et poétique, en sollicitant l’indicible,
permet la transmission de la dimension tacite (8), de la
connaissance.
Rabbi
Nahman (9) de Bratslav a lui-même fini par composer treize contes
célèbres, pour transmettre sa sagesse à ses disciples. On peut
dire que le conte est la façon la plus compacte de faire passer des
connaissances complexes. Les contes de Rabbi Nahman consistent en des
enseignements condensés et concentrés.
Il
pensait ainsi réussir son enseignement sous une autre forme qui lui
permettrait d’entrer profondément dans les cœurs. La
littérature qabaliste est la source la plus importante des contes de
Rabbi Nahman et elle en constitue une clé fondamentale. Son travail
littéraire et artistique est un travail de précision où même les
détails les plus insignifiants (apparemment) et ceux qui sont
presque imperceptibles à l’œil, pourrait-on dire, si on comparait
ses contes à un tableau, sont traités avec autant de minutie que
les autres.
Ces
contes sont destinés à transmettre un
enseignement, de sorte que, pour l’auteur, la signification du
contenu a plus d’importance que la forme littéraire. Le dernier de
ces treize contes, peut-être le plus important, « Les
sept mendiants » fut
écrit six mois avant sa mort.
Rappelons
que 13 en hébreu est le nombre de l’amour (10).
Le conte constitue en lui-même un acte visant à restaurer
l’harmonie cosmique, qui libère les étincelles de sainteté
prisonnières dans le trouble du monde en même temps que le sens se
dégage et permet d’agir juste.
Le
don de l’histoire
Il
était une fois un vieux sage qui, sur le point de mourir, réunit
tout le village :
»
J’ai servi pour vous d’intermédiaire pour la pluie, pour les
récoltes, pour la santé et la fécondité, mais quand je ne serai
plus là, vous allez devoir agir par vous-mêmes. Vous connaissez
l’endroit de la forêt où j’invoque D. ieu… Tenez-vous en ces
lieux et faites de même. Vous savez allumer le feu. Vous savez dire
les prières. Faites tout cela et D. ieu viendra ».
Après
la mort du vieux sage, la première génération suivit ses
instructions à la lettre, et D. ieu vint à chaque fois.
A
la deuxième génération, toutefois, nul ne se souvenait de la
manière dont le vieux sage avait appris à allumer le feu, mais les
gens se tenaient à l’endroit dit dans la forêt et récitaient les
prières. Et D. ieu venait.
A
la troisième génération, il n’y avait plus personne pour se
remémorer la façon d’allumer le feu, ni le lieu où se rendre
dans la forêt, et l’on avait oublié jusqu’aux prières. Mais il
y avait quelqu’un qui se souvenait de l’histoire et la racontait
à voix haute. Et D. ieu venait toujours.
Tant
qu’il resta au moins une âme pour raconter l’histoire, D. ieu
vint, et protégea le village. Et aujourd’hui encore, l’histoire
se transmet… (Conte hassidique).
« Faites
des études de mes prières et de mes prières des études »,
disait Rabbi Nahman.
Le
Féminin est à proprement parler la capacité à actualiser
l’ensemble de nos potentialités, situées
dans un lieu encore inconnu de nous-mêmes, dont
la rationalité nous sépare souvent.
Il
faut d’abord y croire pour aller voir.
La
foi ou Emounah
Le
mot hébreu pour foi est emounah, faire
confiance.
Abraham eut foi en la promesse divine, avoir un enfant alors que sa
femme était nonagénaire.
Le
Féminin est une dimension verticale (reliée
au Divin) de nous-même, ce n’est pas la féminité qui caractérise
le fait de se situer par
rapport à l’homme.
Le
Féminin en tant que notre dimension créatrice, notre capacité à
nous enfanter nous-même à chaque instant, implique la rupture,
lesaut
dans l’inconnu. Il
faut la foi pour cela…
Dans
la qabale, le Féminin,
c’est la rigueur, la Gevourah. Il
est une dimension émissive. Mais la rigueur n’est pas la rigidité,
la rigueur et la souplesse forment une « monture », bien
différente du binôme rigidité et mollesse. La souplesse de la loi
est traversée par la lame de la rigidité du principe.
La vision,
dont le symbole est l’aigle, est un attribut du Féminin.C’est,
de plus, une vision instantanée : voir et voir tout de suite, comme
l’aigle qui plane très haut dans le ciel aperçoit de son oeil
perçant un minuscule mulot et fond sur lui instantanément. Il y a
écrasement du temps. Le discernement en
découle, qualité lui aussi du Féminin essentiel, il se situe en
amont du choix qui préside à toute décision.
Rappelons
que dans l’arbre des Sephiroth, Hochmah, la sagesse, et Bina
l’intelligence sont respectivement père, aba et mère, ima,
divins.
La
sagesse est donc masculine et
l’intelligence féminine.
Dans
le monde de l’exil qui est le nôtre, il y a eu croisement de ces
valeurs, l’intelligence
est devenue « masculine » (desséchée, rationaliste,
sans cœur)
et la sagesse s’est « féminisée. »
L’audace est
une autre qualité du Féminin,
elle implique la vision des
étapes du chemin à parcourir, la conscience de ce qu’elles
exigent (les risques contenus, par exemple), et le choix de s’engager
quand même.
L’audace
est souvent liée, dans la Bible, à des figures féminines. Telles
Tamar, déguisée en prostituée séduira son beau-père qui l’avait
laissée veuve et contribuera ainsi à la naissance du Roi David,
ancêtre du Messie, ou Judith qui va égorger Holopherne, sauvant
ainsi son peuple. Mais cette qualité du Féminin essentiel
n’appartient pas qu’aux femmes.
Féminin
et Maternel
Le
Féminin n’est pas le maternel,
bien qu’il comporte une dimension d’accueil.
Autant
le Féminin dans la qabale, est rigueur et dimension émissive
capable d’accueillir la lumière, autant le
maternel est une dimension horizontale, certes
indispensable quand elle est juste c’est-à-dire protectrice et
respectueuse de l’autre.
Notons
que le masculin, pour être juste, c’est-à-dire protecteur, a lui
aussi besoin de cet aspect.
N’oublions
pas que la dénaturation du Maternel est la possession,lorsque
l’espace de l’expression du besoin ou du désir n’existe plus
et qu’il est immédiatement comblé.
Tandis
que la dénaturation du Féminin est la séduction (bien
qu’il existe une séduction juste, nécessaire pour exister, mais
cela nous entraînerait trop loin…), là aussi comme un moyen de
posséder l’autre, de se l’approprier. Rappelons que ce champ est
investi avec autant de talent (si l’on peut dire) par les hommes
que par les femmes.
Dans
la verticalité, le féminin, symbolisé par la femme (et
nonappartenant à
la femme) a l’ingérence.
La
Qabale parle de la Force du Féminin, qui est située dans l’utérus
de Bina, comme
nous l’évoquions plus haut.
Analogiquement,
le chevalier, un genou en terre devant la Dame, ou la carte de la
Force, qui dans le Tarot représente une femme dominant un lion à
ses pieds, en sont des illustrations, même si dans l’horizontalité,
c’est-à-dire le quotidien, c’est l’homme qui domine.
C’est
un peu comme chez les Chinois, ce qui est yin ou yang l’est aussi
en fonction du contexte : l’homme est yang, la femme est yin. Mais
dans une posture sexuelle où la femme se trouve au-dessus, elle
devient yang car elle a le dos tourné au ciel. Subtilité d’intégrer
chaque situation… en fonction des champs de conscience où elle se
joue.
Il
n’en reste pas moins que ces deux dimensions (verticalité /
horizontalité), si elles sont un « vivre
juste » en relation avec
le divin et avec l’autre (ce qui implique paradoxalement une
distance nécessaire qui est l’espace du désir) et non un «
collage » fusionnel (notamment dans le couple) s’articulent et
autorisent l’ouverture
du cœur.
Shekhina
et Féminin
Disons-le
d’emblée, la
Shekhina n’est
pas le
Féminin essentiel.
Le
mot Shekhina vient de la racine shin kaf noun : être présent,
résider, et
il est souvent traduit par « présence divine ».
Cette
racine forme aussi le mot shekhen, qui signifie « voisin ». Deux
voisins sont très proches, mais séparés par un mur, donc à la
fois proches et séparés. Par analogie, ce terme évoque la distance
radicale du divin et sa
proximité.
La
Shekhina est l’expression de la difficulté à parler du Divin dans
un langage humain. Son
lieu de résidence est le sanctuaire (Exode 25:8). Pourtant D. est
partout, sa présence ne se limite pas à un lieu :« Le
Saint, béni soit-Il, est le lieu (11), du monde, mais le monde n’est
pas son lieu » (Gen. R. 68:8).
Le « tsimtsoum
hashekhina« ,
« rétrécissement de la Shekhina » indique la Présence
Divine en un endroit bien particulier, bien qu’elle ne se retire
pas d’un autre. La Shekhina accompagne Israël, elle est au milieu
du peuple, elle partage la douleur, réconforte les malades, aide
ceux qui sont dans le besoin ; elle est compatissante.
Nos
actions, nos pensées, si elles sont justes, la font descendre et
résider sur terre, et dans le cas contraire la font disparaître.
Elle est un abri, un refuge, on dit par exemple « sous les
ailes de la Shekhina ».
La
Shekhina, en tant que « présence divine » sur la terre,
serait donc le désir de D. pour l’homme.
N’oublions
pas que dans la Bible, le récit est souvent relaté du point de vue
des hommes uniquement. Toute la Bible est au masculin, le langage y
est propre à l’expression de l’ordre patriarcal.
Or
l’hébreu puise sa force entre autres, dans le fait que chaque mot
est une brique de la pensée, contrairement à nos langues qui ne
font que traduire la pensée.
En
ce sens, on peut dire que la
pensée n’est pas dans le cerveau, elle est dans le langage.
Le
langage peut libérer, il peut aussi enfermer la pensée dans les
images. « Dénoncer l’idolâtre des mots lorsque l’image
est prise pour la réalité et la modification de cette image semble
être une atteinte à la réputation de D. » (Pauline Bebe
« Isha, dictionnaire des femmes et du judaïsme p 347.) Dans ce
langage, il n’y a guère de place pour l’approche et l’expression
du Féminin.
La
lettre Vaw (le clou), lettre centrale de la Torah, l’homme, « clou
» de la création
L’homme
est le lieu,
l’espace de rencontre de deux désirs : le
désir de D. pour l’homme et le désir de l’homme pour D.
L’homme
est au Ciel/Terre, disent les Chinois, il est le clou (vaw),lettre
centrale de la Torah,
de la création, en ce qu’il l’incarne en larécapitulant et en
ce qu’il en est responsable.
Il
faut à Dieu un témoin, Ed (ayin – dalet) pour exister.
Dans
la calligraphie de la première phrase du « Shéma Israël… »,
prière essentielle s’il en est, ces deux lettres Ayin et Dalet
sont de grande taille et se détachent donc.
Le
Ayin est la dernière lettre du mot Shema et
le Dalet est la dernière lettre du mot sacré Erad,
dernier mot de cette phrase, nom sacré de D. dont il est dit que le
prononcer en mourant sauve l’homme.
Les
deux mots qui encadrent le vaw au centre de
la Torah sontDarosh et Darash, scruter
et discerner.
L’importance
de l’interprétation est ici indiquée, elle-même liée
audiscernement et
à la vision (12), toutes
deux qualités du Féminin essentiel.
La
vision permet de choisir, donc de décider (en effet, pour choisir,
il faut voir clair au moins entre deux choses). La
justesse des actes en
découle.
Les
grands maîtres de la Qabale tels que Rabbi Nahman de Braslav, le
Baal Shem Tov, le Maguid de Mezerich autorisent à travers leurs
récits et leurs contes, la verbalisation de la dimension tacite
(13) de
la connaissance qui est, par essence même, de l’ordre du Féminin,
et donc difficile à verbaliser. Leur approche sollicite l’indicible,
ce qui est utile quand la finalité est de transmettre.
« Tout
ce qui est expliqué ne vaut pas la peine d’être dit »,
dit Lao Tseu, et Tchouang Tseu précise : « Celui
qui parle a quelque chose à exprimer. Mais ce quelque chose n’est
jamais entièrement déterminé par la parole « . Les
deux « Tseu » (sages) s’expriment vers -370 av. JC…
Dans
le même sens, René Char, grand poète contemporain, nous dit :« Les
mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux ».
L’amour,
l’amour de l’homme pour D., est lié à cette dimension
dutacite qui appelle :
il faut retrouver « la princesse
perdue »
(cf. le conte « La Princesse disparue » de Rabbi Nahman) mais
l’homme qui la cherche se rendort pendant 70 ans, car il
a 70 niveaux de conscience à intégrer pour arriver au royaume du
Dôme d’Or où se trouve la princesse ;
ou bien, dans un autre conte, le 13eme,
le plus célèbre, intitulé « Les 7 mendiants », on voit
la source se languir de la montagne et la montagne qui a soif de la
source, mais dès qu’elles s’aperçoivent mutuellement, elles
s’éloignent l’une l’autre. « Le
cœur chante pour la source, la source chante pour le coeur » (conte
« Les 7 mendiants », 4, Rabbi Nahman).
Car
la force du Féminin qui couve dans l’utérus de Bina (Bina
signifie justement, souvenons-nous-en, le discernement),
comme nous l’avons vu plus haut, n’est
pas fondée sur la proximité.
Presque,
« au contraire » (encore que !), elle
est animée par la nostalgie du Rien (Ayin
écrit ici avec un aleph : le point d’en haut « qui est et
qui n’est point »). Elle est le mouvement même de
l’évolution de l’homme : ce mouvement est naturel, comme celui
de la plante qui se tourne vers la lumière.
La
force du Féminin, force du désir de l’homme pour D.,
désemprisonne la matière
Même
contrariée, la dimension du Féminin Essentiel nous apparaît
comme la
force du désir de l’homme pour D. : elle désemprisonne la
matière. Elle
a bouleversé la qabale.
Rappelons
que la qabale, courant non rationaliste s’il en est, fruit d’une
révélation (et non pas, souvenons-nous en, de recherches
intellectuelles), prend de façon assez troublante, une place
centrale en Europe vers le milieu du 16ème siècle. La vitalité de
la qabale, que l’approche des sciences de l’époque avait
étouffée, est alors décuplée au point que tout le judaïsme s’en
trouve imprégné et influencé, à l’époque même du triomphe de
la rationalité dans le monde non-juif (14). On assiste à partir de
ce moment à une dissymétrie entre les mondes juif et non-juif.
La
philosophie cherche aussi, à l’époque des « Lumières » à
s’extraire, comme son nom l’indique, de ses dogmatismes propres,
mais pour ce faire, elle se tourne vers la nature, tandis que les
qabalistes, eux, se tournent vers l’Arbre des Sephiroth : il ne
s’agit pas du monde physique, mais du monde symbolique. La qabale
ne devrait pas être appelée « mystique juive ». C’est un savoir
secret, qui demande à ne plus l’être (15). On peut être mystique
sans être qabaliste et qabaliste sans être mystique.
La
qabale perd son importance au milieu du 18ème siècle.
Les qabalistes n’auront pas de successeurs en Europe de l’Ouest,
mais en Europe de l’Est. On en finit avec l’idée d’une pensée
révélée et la dissymétrie entre monde juif et non juif semble
ainsi prendre fin. Aujourd’hui, on aurait tort de comparer la
pensée qabaliste avec l’aspect fort, gagnant, de la raison
scientifique.
L’homme
moderne est rationaliste, mais il sera perdant s’il le demeure.
L’exil
assombrit la connaissance. On
a perdu la voie de la Recherche, on ne sait plus penser. Se réveiller
du sommeil dogmatique, tel est l’enjeu. Ani
Maamin(a).
C’est un credo, un acte de foi.
“As
kol basar ! » Taisez-vous ! Zacharie (2-17)
Lorsque
Jacob se sent près de mourir, il fait venir son fils Joseph et lui
dit “J’aimerais
que tu prennes mes restes et que tu m’enterres dans la caverne de
Makhpela avec Abraham, Isaac, Léa, Rebecca, et il ajoute : j’ai
besoin que tu saches que je te demande cela alors que je ne l’ai
pas fait pour ta mère Rachel.
Tu
pourrais peut-être croire que c’est parce qu’il pleuvait,
c’était l’hiver, il y avait de la boue. Mais non, c’était le
plein été, il faisait beau. Je ne l’ai même pas enterrée en
Erets Israël, il y avait seulement encore 1, 2 km jusqu’à la
frontière. Et moi je te demande de m’enterrer à Hebron ! Est-ce
par négligence que je ne l’ai pas fait pour Rachel ?
Sache
que c’est parce que D. me l’avait demandé… »
Rachel
va être notre ambassadrice à tous.
Quand
il y aura le rassemblement des exilés à la fin des temps, elle
dira «
Moi aussi je veux rentrer à la maison ».
Et D. lui dira «
Viens ! » « Je n’irai pas sans mes enfants » répondra-t-elle.
Et D. l’écoutera.
C’est
Rachel qui détient les clés de la fin de l’exil.
Elle
est responsable de l’accomplissement de l’humanité dans le
collectif. Jacob, avant de donner la vraie raison, l’ordre de D.,
élimine les raisons humaines qui auraient pu servir d’explications.
C’est le
contraire que
nous faisons tous sans arrêt. Et nous enfonçons un peu plus les
étincelles de lumière au fond de leur prison de boue. Dans toute
l’histoire, les gens n’entendent pas, ne voient pas, ne comptent
pas avec D. Il n’y a rien à faire sauf une chose : « as kol basar
! “ “Taisez-vous !”
Je
me suis toujours souvenue du tableau vu dans mon enfance « C’est
Rachel qui pleure ses enfants… ». Aujourd’hui je sais qu’elle
pleure parce
qu’ils ne sont pas encore advenus ». Le
Féminin est inconsolable ! Et Rachel veille…
Pour
se consoler, il n’est que de lire la Torah. Partout D. y frappe à
la porte. Il n’y a jamais eu autant de gens qui se rassemblent, des
milliers de juifs sont désireux de Torah… C’est une époque
unique, mais on est fatigué de l’histoire : elle a été très
dure, alors on refuse d’y croire. On écoute le bruit du monde.
Il
n’y a que la
Emounah (16)
qui sauve, ce que nous avons, en nous, planté en plein cœur, et qui
vient de nos parents et grands parents… Et cela, ça provoque le
bruit de Kol Dodi, la Voix du Bien Aimé qui se rapproche. Il va
frapper de plus en plus fort.
Il
n’y a rien de plus rationnel que la foi. Au début les sciences
étaient uniquement un champ d’investigation. Aujourd’hui la
science est relayée par les théories qui
sont fondées sur les croyances.
On pensequ’il
faut aller dans telle direction, alors on continue dans ce sens.
La
véritable finalité, construire le beith Hamiqdach, c’est bâtir
le cœur de tous les juifs qui décident de se transporter là où D.
les attend. Pour cela, point n’est besoin d’un billet d’avion.
La Hagalout (17) finira quand les juifs l’auront décidé, quand
ils auront trouvé la Neshamah, libéré les étincelles divines
prisonnières des tessons et de la boue, désemprisonné
la matière.
La
fonction du Féminin, qui veille dans nos profondeurs,désemprisonner
la matière, libérer
Isha,
l’autre côté de nous-même,sera
accomplie.
Un
beau midrash raconte que quand D. nous a donné la Torah, tous les
animaux se sont tus, les vagues se sont interrompues, le vent s’est
arrêté…
«
As kol basar ! »… Même les Malakhim (les Anges) se sont arrêtés.
«
Anokhi Ashem ».
Dans
le silence intersidéral retentit la Voix, forte et silencieuse à la
fois : au-delà des différences sexuées, hommes et femmes écoutent,
voient et se reconnaissent comme « créés à l’image de D., mâle
et femelle il les créa » (Genèse 1-27).
Féminin
et Shekhina se sont rejointes en nos cœurs, Rachel est consolée.
Rachel
Cohen
30
Janvier 2006 – Bourgogne
1
« La kabbale » de Gershom Sholem (1974, Gallimard), pour
n’en citer qu’une, proche de nous…
2
Validons ici le mot essentiel employé selon le sens donné par
Saint-Exupéry : « L’essentiel est invisible pour les yeux.
On ne voit bien qu’avec le coeur »
3
Nous écrivons le mot « Féminin » avec un « F »
majuscule pour le distinguer du mot employé dans son acception
courante. Il s’agit ici du féminin
essentiel,
objet de notre étude.
4
Pourquoi 288 étincelles de lumière ?
Le
nombre 288 tient une place importante dans la Qabale. il apparaît
entre Hessed et Gevourah, quatrième et cinquième sephiroth. La
quatrième sephira s’appelle en effet « Hessed » (reth
– samer – dalet) (bonté-miséricorde) et elle a une valeur
numérique de 72 (8+60+4). Hessed est la sephira de l’absolue
bonté; dans ses « Portes de lumières », Joseph
Gikatilla la définit ainsi : « … Hessed a bâti le monde…
Lorsque le monde fut créé avec Hessed, D. partagea Hessed pour ses
Créatures… » (Shaarei Orah – Porte 7 ).
Dans
l’Arbre des Sephiroth, Hessed fait directement face à Gevourah,
son contre-poids, attribut de la rigueur et cinquième Sephira. Sa
valeur numérique (guimel – veit – vaw – reich – hé) est
égale à 216 (3+2+6+200+5). La sephira Guevourah exprime la Rigueur
et la Force. Joseph Gikatilla la décrit ainsi « … Tribunal
céleste, Gevourah… s’appelle ainsi en raison de sa puissance… »
(Shaarei Orah – Porte 6).
L’union
de Hessed et Gevourah introduit le nombre 288 (72 + 216). Ce nombre
apparaît dans le premier livre des Chroniques (25-7). « Ils
s’élevaient au nombre de 288, en comptant avec eux leurs frères
exercés au Cantique du Seigneur, tous ceux qui étaient passés
maîtres… » Il s’agit de David qui assigna les places et
rôles dans le service du culte.
Il
est aussi intéressant de remarquer que l’architecture du corps
humain se compose de 288 éléments.
5
Qui implique la force – nous y reviendrons…
6
je pense que c’est le tableau de Nicolas Poussin, intitulé « Le
Massacre des Innocents » (Il s’agit de l’illustration de Jérémie
31-15 « Ainsi parla le Seigneur : une voix retentit dans Rama,
une voix … d’amers sanglots. C’est Rachel qui pleure ses
enfants… »
7
« Isha, dictionnaire des femmes et du judaïsme » (2001 –
Calmann-Levy) cf. pp. 15-16.
8
tacite signifie, dans le domaine de la transmission de la
connaissance, su
par le corps mais
difficile à verbaliser
9
Rabbi Nahman de Bratslav (1772-1810), arrière-petit-fils du fameux
Baal Shem Tov, est l’un des plus éminents Maîtres du Hassidisme.
10
L’amour, en hébreu, se dit « ahava », mot qui s’écrit
aleph, hé, bet, hé, dont la valeur numérique est 13. Est-ce pour
cela que le nombre 13 est un nombre porte-bonheur ?
11
ceci explique un des nom de D. : le Iieu (makom)
12
Cf. plus haut, page 9, nous avons situé l’audace comme qualité du
féminin qui implique la vision des étapes du chemin à parcourir.
13
sur le sens de ce mot, voir note 5
14
cf. à ce sujet l’analyse d’Alessandro Guetta, professeur de
philosophie juive à l’INALCO (Institut National des Langues et
Civilisations Orientales).
15
Tandis que le mystique fait l’expérience personnelle de D.
16
la foi
17
l’exil
La terre vue d’Apollo 17,
image de la NASA.
La
séphira Malkhuth
«
ouvre mes lèvres, ma bouche rapportera ta louange » (Ps. 51, 17).
Malkhuth
est la dixième Sephirah placée sur le Pilier du Milieu. Malkhuth
est la terre, le monde physique, la corporalité, la matière.
Malkhuth
représente la dernière étape de la Création et le dernier niveau
des Sephiroth et
des Mondes.
En
Malkhuth, tous les mondes supérieurs se mêlent en une union et une
harmonie parfaite.
Malkhuth
complète le remplissage du vide et comme telle, elle est la plus
éloignée de la lumière de Dieu, de l’Ain Sof.
Et
cependant, Malkhuth est importante au sein des Sephiroth car elle
représente l’ultime bijou de la Création.
Afin
de créer l’univers, Dieu se contracta et c’est la contraction de
Son essence en un point unique qui représente Sa volonté de
Création. Ce point est le point d’origine de la contraction de la
Lumière Divine dont émane la Création et Malkhuth est, en ce sens,
le point de contraction originelle de Dieu.
Ainsi,
Malkhuth est la dernière étape de la Création et, en même temps,
son point d’origine. D’où la fameuse maxime kabbalistique «
Kether est en Malkhuth et Malkhuth est en Kether ».
De
tous les mondes, seule Malkhuth est matérielle et corporelle, tous
les autres royaumes sont immatériels.
En
Malkhuth, cependant, les opposés peuvent être unis les uns avec les
autres. Ces
opposés peuvent s’exposer l’un à l’autre afin de communiquer.
Le potentiel de cette communication est dans l’Unité qu’elle
sous-tend, Eh’ad : Unité, déjà présente en Kether et Hokhmah
mais que seule Malkhuth réalise au niveau de la Création.
Malkhuth
est la somme de toutes les influences des autres Sephiroth, elle
représente un « héritage » qui nous montre le chemin de
l’élévation et de nos aspirations. C’est en elle que nous sont
offerts les outils – vocabulaires, images, concepts, idées – qui
nous permettent d’élaborer notre élévation dans les mondes
supérieurs.
Malkhuth
est le lieu de résidence de la Shekhinah, la Présence Divine
mystérieuse, la Fiancée de Dieu ou Fille du Roi.
Et
le Zohar la mentionne parfois comme étant la Matrona : (Reine du
Shabbath, du Samedi et de Saturne), figue féminine du Metatron.
Parfois
elle reçoit aussi le nom d’Adonaï, Seigneur (Zohar
I, 107a et II, 22b) car
cette Sephirah participe à la nature de l’Un suprême de Dieu.
Afin d’éviter toute confusion qui veut que l’on substitue Adonaï
au Tétragramme, le nom divin complet associé à Malkhuth est Adonaï
ha-Aretz,Seigneur de la Terre. L’autre Nom est Adonaï Melekh,
Seigneur Roi, et l’on comprend mieux pourquoi Malkhuth est « le
Royaume ».
L’arc
en ciel est associé à Malkhuth ainsi qu’à la Shekhinah et
comme l’affirme le Zohar (I, 71b), l’arc-en-ciel n’est pas
seulement le signe du pacte établi entre Dieu et l’homme, mais
c’est également l’apparence lumineuse par laquelle se manifeste
la Présence Divine.
«
La lumière environnante ressemblait à celle de l’arc-en-ciel qui
resplendit en un jour de pluie » Zohar sur Ezéchiel I, 28.
En
Malkhuth, nous sommes au début du chemin qui commence par la Porte
de Yessod.
Emprunter
le Sentier qui va de Malkhuth à Yessod est donc la première étape
vers l’élévation dans les mondes supérieurs. C’est
là le 32e sentier, le Sentier de Saturne qui est la planète de la
discipline et de la récompense. Entreprendre le voyage demande à
l’étudiant de dépasser les fantasmes du monde inférieur, les
fantasmes sexuels, matériels, humains et leurs cohortes de doutes et
d’illusions.
Malkhuth
est la potentialité de toutes les énergies de la Création, mais
une potentialité qui au niveau humain est limitée par la mort. Et
cette limite nous est bien signifiée par le Tav ת,
ou tavah, « limite ».
Dans
le Tomer Devorah (p. 116), Cordovero nous dit de Malkhuth :
«
La Sephirah dominante est alors la Nuit, qui est la mesure du Règne
(Malkhuth) » et c’est la nuit que l’homme doit œuvrer au Tikkun
et se lier à Malkhuth afin d’en réaliser l’accomplissement.
L’homme se lèvera à minuit, se lavera les mains de la coquille
(klippa) qui domine en elle, il dira la bénédiction (netilat
yadaïm) et se parera de la Shekhinah en s’adonnant à la Torah. La
nuit, le moment du sommeil de l’homme est le temps de la Mort, car
le sommeil ressemble à la mort, et l’homme par la pratique de la
prière (voir notre article sur la prière juive) se protège des
influences de l’Arbre de Mort. Et l’Arbre de Mort est Malkhuth en
tant qu’elle est séparée de Tiphereth, pendant la nuit où le
soleil a disparu. Voir à ce sujet Zohar I, 35b : « Mais comme cet
arbre (de la connaissance du bien et du mal) est l’arbre de la
mort, celui qui en prend isolément meurt, car c’est le poison de
mort qu’il aura pris ».
«
Au cours de la première ascension amoureuse, l’âme défaille.
C’est pour son bien. Il est justement question de cela dans les
paroles de l’Épouse : « Ah, filles de Jérusalem, je vous conjure
: si vous rencontrez mon bien-aimé dites-lui que je suis malade
d’amour » (Cantique des cantiques 5, 8) », Jean de la Croix,
Noche Obscura.
Et
il est visible que l’identité de l’Épouse et de Malkhuth comme
nous l’avons vu par ailleurs est une des clés de l’ascension de
l’âme vers la Source. Union de l’homme et de la Shekhinah afin
d’unir la Shekhinah à l’Un.
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